Chère lectrice, cher lecteur,
Evidemment, tu identifies instantanément le point commun entre une belle tartine, quelques pickles de carotte, une assiette de choucroute et une coupe de champagne ? Tous contiennent des levures grouillantes de petites bêtes qui contribuent et pas qu’un peu à notre bonne santé, en même temps qu’elles nous incitent à nous lécher les babines !
La levure naturelle est aujourd’hui indispensable à une bonne alimentation de notre vieille planète. Elle nous permet aussi de réduire nos besoins en graisse et en sel.
J’avais précédemment effectué une petite promenade autour des vinaigres (https://recettesahistoires.com/2022/07/20/touche-pas-a-ma-mere/) et comme un culbuto je rebondis aujourd’hui sur les levures et les travaux de Louis Pasteur sur la fermentation à l’université de Lille, 30 ans avant qu’il découvre le vaccin contre la rage.

Pasteur n’a pas découvert la levure, puisqu’en Egypte, il y a 4000 ans, le pain était déjà un composant essentiel de la nourriture.
Mais comme souvent dans sa longue carrière, il a cherché des explications logiques et scientifiques à des phénomènes connus mais non expliqués, et il a permis de fabriquer de la levure en sécurité, rapidement et en grande quantité. Cela a permis notamment aux fabricants de bière de s’organiser face à leurs concurrents allemands. Grâce à la pasteurisation, les brasseurs peuvent stabiliser leurs productions, la stocker, l’expédier.
A la même époque, à Marquette lez Lille, Louis Lesaffre et Louis Bonduelle décident de créer une usine d’alcool de grain et de gin, en regardant eux aussi vers leurs concurrents allemands et néerlandais.
Les affaires prospèrent, et au début du XXe siècle, les familles Lesaffre et Bonduelle scindent leurs activités. Aux Bonduelle les légumes, aux Lesaffre les levures ! Je ne rentrerai pas dans les détails et les circonstances de ces deux parcours, toujours est-il que Bonduelle et Lesaffre sont aujourd’hui des géants de l’industrie agro-alimentaire mondiale.
Je concocte mon levain
Il faut un peu de patience, et les mains très propres pour faire son levain.
Il vous faut de la farine, surtout pas raffinée, de seigle de préférence, si possible complète (T130), ou semi-complète (T110), bio c’est mieux ! Il vous faut aussi de l’eau, minérale ou filtrée, un bocal en verre (bocal de conserve de 75cl) et une cuillère en bois ou en plastique, impeccablement bien lavés, et même ébouillantés.
Vous déposez 50g de farine et 80g d’eau dans le bocal, fermé pour éviter les insectes.
Le lendemain vous renouvelez l’opération (même farine, mêmes proportions). On laisse à nouveau reposer 24 h à température ambiante.
Jour 3, normalement le levain a commencé à gonfler, et l’odeur doit être légèrement aigrelette. Vous rafraîchissez à nouveau le mélange en ajoutant les mêmes quantités de farine et d’eau.
Jour 4, si vous avez été sage, de petites bulles ont fait leur apparition. Il est possible que le levain monte puis retombe. Rien d’inquiétant.
Vous recommencez les mêmes opérations, en prenant soin d’enlever un peu de matière, en conservant précieusement ce que vous enlevez. Lorsque la matière double de volume au bout de 24h votre levain est prêt.

Avec les surplus de pâte que vous avez enlevés chaque jour vous pouvez réaliser des crumpets.
Dans une poêle bien graissée vous déposez un peu de pâte dans laquelle vous avez ajouté un peu de sucre, de sel, de bicarbonate. Vous pouvez utiliser des cercles de cuisson pour maîtriser la forme. On ne fait cuire les crumpets que d’un seul côté, on les enlève et on les les laisse reposer sur un papier absorbant quand le dessus est sec.
Le Tempura

Ce plat dit japonais est en fait d’origine … portugaise !
Les peixinhos da horta, introduits par des missionnaires jésuites portugais au XVIIe siècle, existent toujours dans la cuisine portugaise.
Il s’agit d’une pâte à frire maintenue froide sur un lit de glace, à base de farine, d’œuf et d’eau gazeuse bien froide, dans laquelle on trempe des morceaux de poisson ou de fruits de mer, mais surtout des légumes coupés en tranches. Le contraste de température permet une cuisson rapide, la carapace très vite formée rend le beignet croquant sous la dent en surface, empêchant l’huile de trop pénétrer à l’intérieur, et permet de conserver la saveur et la couleur des légumes
Les Peixinhos da horta
A l’apéritif, ces haricots verts frits prennent la forme de petits “poissons”.
Il vous faut : 400 g de haricots verts, 125 g de farine, 2 œufs, de la levure chimique, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, 10 cl d’eau, 1 pincée de sel
Faire cuire les haricots verts dans de l’eau bouillante pendant 5 minutes environ. Ils doivent être légèrement cuits. Égoutter et laisser refroidir.
Mettre la farine dans un bol et faire un puits. Y verser l’huile d’olive, une pincée de sel et de l’eau. Mélanger légèrement, en allant du milieu vers les extrémités.
Ajouter les œufs et mélanger énergiquement, jusqu’à obtenir un pâte souple et homogène.
Tremper les haricots dans la pâte et les plonger dans de l’huile très chaude, pendant quelques minutes.
Champagne, des bulles et des levures

En aout et septembre ont lieu les vendanges en Champagne. Les raisins sont ensuite triés et mis en cuve pour une première fermentation. Ensuite commence une première opération spécifique au champagne : l’assemblage. Chaque maison a ses habitudes dans le choix des cépages, des coteaux, des millésimes, voire des terroirs.
On met ensuite ces cuvées en bouteilles, en général au printemps qui suit les vendanges, et on va effectuer la seconde fermentation chère à Dom Pérignon, en ajoutant un peu de liqueur (du sucre mélangé à du vin vieux) dans chaque bouteille qu’on va ensuite refermer hermétiquement. Grâce à la liqueur, le sucre va se transformer en alcool ET en gaz carbonique. Les bouteilles sont à présent stockées horizontalement, à 10°C pendant plusieurs mois.
On va ensuite effectuer le remuage. Les bouteilles sont inclinées, goulot vers le bas et on les tourne chaque jour d’un quart de tour.
Et de nouveau on laisse le temps faire son effet : c’est une partie de l’élevage du champagne.
On va ensuite se débarrasser des dépôts et autres levures en débouchant la bouteille et en plaçant le goulot dans un mélange d’air et d’azote glacé. C’est le dégorgeage. Le vigneron doit alors remplacer la petite quantité de liquide qui s’est échappée par un peu de sucre : la liqueur d’expédition. C’est ainsi qu’on pourra obtenir un breuvage plus ou moins sucré, de “extra-brut” à “demi-sec”. On peut aussi ne pas ajouter cette liqueur d’expédition et ce sera du champagne non dosé ou nature.
In memoriam Bruno Bonduelle

Bruno Bonduelle prend les rênes de l’entreprise familiale en 1985, jusqu’en 1994. Il se consacre alors à l’action publique, auprès notamment de Pierre Mauroy et de Martine Aubry : président de l’Association pour la promotion internationale de la métropole (APIM) et de Nord France Expert (NFX), président du Comité Grand Lille de 1993 à 2005, président de la CCI Lille Métropole en 2004. Il est décédé ce vendredi 16 septembre et tout le monde politique et économique s’accorde pour louer ses qualités d’homme et d’entrepreneur
[…] Tout est affaire de levure […]
[…] De nombreux artisans viennent ou reviennent au levain naturel qui induit une fermentation lactique, en opposition à la levure de boulangerie qui produit une fermentation alcoolique. Pour en savoir plus, reportez-vous à une chronique précédente : https://recettesahistoires.com/2022/09/21/tout-est-affaire-de-levure/ […]