Topinambour et rutabaga : l’oubli et la lumière

Dans la série des légumes oubliés, il y a ceux qu’on a vraiment oubliés, et ceux que nos parents ou nos grands-parents ont été trop contents de ranger au fin fond de leur mémoire. Car je vous parle d’un temps que seules les personnes âgées de 88 ans et plus peuvent connaître…

Transportons-nous  d’abord au temps des Poilus. Durant la Première guerre mondiale, les civils allemands et autrichiens font face à une quasi-famine et doivent leur survie à l’utilisation des topinambours et autres rutabagas qu’ils cuisinent à toutes les sauces, matin, midi et soir. Leurs enfants en font des cauchemars, et voyant arriver les mobilisations du IIIe Reich, intiment à leurs supérieurs de réquisitionner les pommes de terre de tous les pays qu’ils conquièrent. Par contrecoup, nos aïeuls se sont retrouvés à consommer ces racines que les soldats allemands abhorraient…

Aujourd’hui, nouveau pied de nez de l’Histoire : les légumes détestés par tous ceux qui ont vécu l’Occupation reviennent au devant de la scène !

Samuel de Champlain

Le topinambour est aussi appelé artichaut de Jérusalem, ou truffe du Canada, ou soleil vivace. On doit ces appellations à l’explorateur Samuel de Champlain, qui découvre ce légume en 1603, dans la Nouvelle France (le Canada). Les autochtones l’utilisent pour leur alimentation et comme fourrage pour leurs animaux.

Il est facile à cultiver, même dans des sols pauvres, il est peu sensible aux maladies. Et les navigateurs en diffusent l’utilisation un peu partout en Europe.

Il faudra attendre les recherches d’Antoine Parmentier à la fin du XVIIIe siècle pour que s’impose la pomme de terre (https://recettesahistoires.com/2022/08/16/parmentier-le-vrp-de-la-patate/)

Le topinambour est certes très facile à cultiver : les jardiniers savent la difficulté à s’en débarrasser. Le moindre morceau oublié dans une parcelle et hop c’est reparti !

La plante (helianthus tuberosus) produit une tige feuillue qui peut atteindre 3 m de hauteur et une fleur jaune qui rappelle son cousinage avec le tournesol (helianthus annuus).  Les 66 espèces d’helianthus ont l’immense privilège d’être méllifères. Elles attirent les abeilles et contribuent ainsi à la bonne santé de l’écosystème environnant.

Le topinambour a aussi l’avantage d’être très peu calorique grâce à la présence d’inuline dans sa structure, ce qui le rend très intéressant pour les diabétiques et celles et ceux qui souhaitent maigrir (méfiez-vous des publicités avantageuses sur le sujet, ce sont en règle générale des arnaques…)

Mais l’inuline a les défauts de ses qualités : elle n’est pas assimilée par l’intestin grêle, ce qui peut occasionner quelques flatulences si vous en consommez exagérément !

Petite astuce suggérée par les diététiciens : ajoutez une petite cuillère à café de bicarbonate de sodium dans l’eau de cuisson ou quelques pommes de terre.

Poulet, poire, topinambour

Philippe Etchebest

Est-ce utile de présenter Philippe Etchebest ?  Certes un guide aussi célèbre que jalousé lui a octroyé une mignonne étoile rouge à Bordeaux en 2001. Certes il fréquente assidûment les studios de télévision. Mais surtout il porte au col de sa veste de travail le liseré tricolore qui fait de lui depuis 2000 un des « meilleurs ouvriers de France » à l’issue d’un redoutable concours professionnel.

Il vous faut 5 filets de poulet, 1 blanc d’œuf, 1 cuillère à soupe de crème, 600 g de topinambours, 50 cl de lait, 5 poires (Conférence par exemple), un peu de fève de Tonka, du grué de cacao, 2 étoiles de badiane, 50 g de sucre, huile, sel et poivre.

Faites chauffer de l’eau dans une casserole avec le sucre et la badiane, pelez 3 poires et taillez-les en fines lamelles à la mandoline. Laissez infuser les lamelles pendant quelques minutes (feu éteint).

Préparez une farce fine : coupez un filet de poulet, hachez finement, salez, poivrez, ajoutez la crème et un blanc d’œuf puis mélangez de nouveau.

Faites revenir à la poêle, dans un peu d’huile, les deux filets restants des 2 cotés. Badigeonnez la face extérieure avec la farce fine de volaille puis recouvrez avec les lamelles de poires façon écailles. Serrez-les en ballottine dans un film alimentaire.

Cuisez-les 15 mn à la vapeur ou en immersion dans une casserole d’eau à peine frémissante.

Pelez et coupez 500 g de topinambours. Faites-les cuire dans le lait avec une pincée de sel. Lorsque les morceaux sont cuits, mixez et assaisonnez-les.

Coupez les poires et topinambours restants en petits dés. Faites-les sauter à la poêle à feu vif avec un peu d’huile.

Retirez le film  de la ballottine, caramélisez les filets au chalumeau.

Répartissez la brunoise dans le fond des assiettes et posez un filet dessus.

Versez le velouté autour et saupoudrez de grué de cacao et de fève de Tonka râpée.

Fruit d’une rencontre improbable entre un chou frisé et un navet, le rutabaga est ce qu’on appelle un « hybride » dénommé « corne de bélier » en Suède parce qu’il était utilisé pour nourrir les ovins.

Très semblable au navet, le rutabaga se distingue par sa grosseur et sa chair jaune foncée.  Très rustique comme son collègue topinambour, c’est un légume d’hiver qu’on sème en avril et qu’on peut consommer dans les mois d’hiver, d’octobre à décembre, il est riche en fibres et en vitamine C.

Vous pouvez le déguster rôti au miel, cuit auparavant à l’eau bouillante ou à la vapeur pendant une dizaine de minutes découpé en cubes. Vous faites fondre ensuite une noix de beurre à la poêle, vous faites revenir le rutabaga avant de déglacer au vinaigre et de le laisser confire avec un peu de miel, et d’ajouter un peu de crème fraîche pour le service.

Houmous de topinambour, panais et rutabaga

Certes « houmous » désigne au Liban le pois chiche déjà évoqué ici précédemment (https://recettesahistoires.com/2022/07/14/le-pois-chiche-nest-pas-egoiste/). Mais la cuisine est souvent faite de ces emprunts pas forcément remboursés…

Grenade

Il vous faut 4 topinambours, 1 panais, 1 ou 2 rutabagas, 2 gousses d’ail, 1 cuillère à soupe de tahin [purée de graines de sésame torréfiées et broyées, indispensable dans toute cuisine moyen-orientale, 2 à 3 cuillères à soupe d’huile d’olive, sel de mer, un peu de mélasse de grenade (sirop épais et concentré de jus de grenade frais), 1 cuillère à soupe de graines de sésame blond.

Préchauffez le four à 210°. Pelez et dégermez les gousses d’ail. Pelez et coupez en petits morceaux les légumes. Déposez-les sur une feuille de papier aluminium  avec les gousses d’ail. Arrosez d’une cuillerée à soupe d’huile d’olive. Fermez le papier pour former une papillote.

Enfournez pour 30 minutes. Éteignez le four. Mixez les légumes avec la purée de sésame et un peu de sel.  Ajoutez progressivement de l’huile d’olive : le houmous doit être bien crémeux.  Au moment de servir, arrosez l’houmous d’un filet de mélasse de grenade et saupoudrez de graines de sésame.

Un cerfeuil qui n’a pas froid aux yeux

A gauche la partie aérienne du cerfeuil tubéreux, à droite le cerfeuil des jardins

Que les choses soient bien claires : entre Anthriscus cerefolium (le cerfeuil des jardins et des potages) et Chaerophyllum bulbosum (le cerfeuil tubéreux, ou bulbeux si vous préférez) il n’y a rien, ni atome crochu, ni aventure sans lendemain. Ils ne peuvent pourtant nier un lien de parenté : ils appartiennent à la famille des apiacées, bien connue dans le landerneau des plantes à inflorescence en ombelles, jadis connue sous le nom d’ombellifères. C’est une grande et belle lignée de près de 3000 cousins !

Mais notre invité du jour est capricieux : il exige d’être stratifié à froid. Autrement dit, pour se réveiller, ses graines doivent subir les frimas deux années de suite ! Pas simple pour les jardiniers, ce qui explique que ce cerfeuil tubéreux demeure rare et cher, même si depuis des années les semenciers essaient de chercher une solution pour éviter cette double stratification…

Si vous en trouvez, ou mieux si vous parvenez à en produire dans votre potager, vous en avez sans doute apprécié les qualités gustatives : sucré, rappelant la pomme de terre et la châtaigne, une fois qu’on a laissé le bulbe reposer à la cave pendant deux mois ! En revanche, la consommation de ses feuilles peut donner à vos proches l’impression que vous vous êtes abandonné sur une dive bouteille… Les Caucasiens prétendent que la lacto-fermentation élimine les alcaloïdes indésirables qu’elles contiennent et rend la partie aérienne comestible.

Cappuccino au cerfeuil tubéreux et aux châtaignes

Le cappuccino, cet emblème de la cuisine italienne, fait la fierté des barista qui s’échinent à servir une tasse mousseuse de café au lait saupoudré de poudre de cacao.

Ici, il manque … le café mais la surprise est garantie en entrée de repas.

Pour 6 personnes il vous faudra 1 oignon, 600 g de cerfeuil tubéreux, 30 g de beurre, 800 g de châtaignes fraîches incisées et cuites à l’eau pendant 30 mn puis soigneusement décoquillées et nettoyées, 1 l de bouillon de volaille, 30 cl de crème fraîche, 1 cuillère à café de cacao non sucré, sel et poivre du moulin.

Épluchez et émincez finement l’oignon. Épluchez les bulbes de cerfeuils et coupez-les en petits morceaux.

Faites chauffer le beurre dans une poêle, ajoutez les dés de cerfeuil, l’oignon émincé et les châtaignes égouttées et faites colorer le tout pendant 5 minutes.

Couvrez de bouillon de volaille et portez à ébullition. Laissez frémir à couvert pendant 20 minutes. Ajoutez la crème et passez la préparation au mixeur plongeant. Rectifiez l’assaisonnement si besoin.

Montez 15 cl de crème liquide entière en chantilly jusqu’à ce qu’elle soit bien aérienne.

Répartissez le velouté dans 4 petites tasses. Pochez la chantilly bien froide sur le velouté puis saupoudrez de cacao. Servez sans attendre

Joue de porc, vin blanc, cerfeuil tubéreux

Pour 6 personnes il vous faudra : 1 kilo de joue de porc, 1 kilo de cerfeuil tubéreux, 500 g de carottes, 1/2 bouteille de vin blanc sec, 4 grosses échalotes, 1 cuillère à soupe de fond de volaille, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, un peu de sarriette, du sel, du poivre.

Épluchez et émincez finement les échalotes. Épluchez les carottes et coupez-les en biais en petits tronçons.

Dans un faitout, faites chauffer l’huile et faites revenir les joues sur tous les côtés. Ajoutez l’oignon, la sarriette, laissez dorer encore un peu puis ajoutez le vin, le fond de volaille et les carottes.

Après quelques bouillons, écumez la sauce et laissez mijoter à feu doux au moins deux heures à couvert. Ajoutez le cerfeuil tubéreux lavé et épluché et laissez cuire 10 minutes de plus.

Cerfeuil tubéreux confit

A gauche la badiane, à droite la cannelle

Il vous faut 100 g d’eau, 200 g vin blanc moelleux, 1 jus de citron, 150 g de sucre, 1 bâton de cannelle, 4 étoiles de badiane (anis étoilé), 400 g de cerfeuil tubéreux épluché

Lavez soigneusement les bulbes, plongez-les dans l’eau bouillante environ 8 à 10 minutes, puis égouttez-les et pelez-les à partir du collet.

Portez à ébullition tous les ingrédient sans les bulbes pendant 5 bonnes minutes. Ajoutez ensuite les cerfeuils tubéreux, couvrez et enfournez pour 1 heure à 100°C. Egouttez les cerfeuils et laisser refroidir.

Arlettes

Servez ces cerfeuils confits avec des arlettes de sarrasin telles que les confectionne le pâtissier Yann Couvreur dans ses boutiques parisiennes.

Yann Couvreur

Il vous faut  400 g de farine de blé (T45), 130 g de farine de sarrasin, 15 g de fleur de sel (ou du gros sel marin moulu), 10 g de levure de boulanger, 500 g de beurre, 30 cl d’eau, 350 g de sucre semoule, 100 g de muscovado (sucre de canne complet non raffiné en provenance des Philippines ou de l’île Maurice).

Réunissez les deux farines tamisées et la fleur de sel. Mélangez la levure réhydratée dans un peu d’eau, le beurre froid coupé en petits morceaux et l’eau.

Pétrissez l’ensemble jusqu’à ce que le beurre soit bien incorporé à la pâte.

Passez la pâte au rouleau et donnez-lui une forme rectangulaire, filmez et  mettez au congélateur pendant 30 mn avant de réserver au réfrigérateur pendant 1 h.

Pendant ce temps mixez le sucre et le muscovado.

Sortez la pâte et donnez-lui 2 tours simples : étalez-la sur un plan légèrement fariné puis repliez-la 3 fois sur elle-même, en la laissant 1 h au réfrigérateur entre chaque tour.

Donnez 2 autres tours simples en incorporant cette fois le mélange de sucre (réservez-en un peu pour la finition).

Sur le plan de travail étalez la pâte sur 1 cm d’épaisseur. Parsemez dessus le mélange de sucres restant, puis roulez en serrant bien.

Filmez serré le boudin de pâte et réservez-le 30 mn au congélateur pour que la pâte durcisse.

Détaillez le rouleau de pâte en rondelles de 3 mm d’épaisseur. Posez sur un papier sulfurisé les rondelles, recouvrez d’un autre papier sulfurisé et d’une plaque de pâtisserie surmontée d’un poids suffisant pour que la pâte soit bien aplatie.

Mettez à four chaud (190°) pendant 5 à 10 mn. Réservez sur une grille à la sortie du four.

Dans une coupe, ajoutez un peu de crème battue en chantilly au-dessus de quelques morceaux de cerfeuil confit et plantez une arlette sur la coupe.

Chevreuil façon Pic

Chevreuil mariné à la lie de saké, châtaigne et déclinaison de cerfeuil tubéreux, cédrat panaché et épine-vinette

Recette empruntée à « Vins et gastronomie », excellente revue appréciée des professionnels (https://www.vinsetgastronomie.com)

Anne-Sophie Pic

On n’a pas forcément envie de jouer tous les jours au cuistot multi-étoilé mais cette recette de Anne-Sophie Pic décrit bien la complexité et la technicité de ce qui est servi  dans les maisons de la galaxie sur laquelle elle règne à Valence mais aussi à Paris, à Orly, Lausanne, Londres,  Singapour, Megève.

Pour 6 personnes il vous faut : 1 dos de chevreuil de 800 g, 1kg de carcasse et parures de chevreuil, de l’huile d’olive vierge, du beurre doux AOP.

Cédrat panaché : 150g eau, 50 g de sucre, les zestes d’1 cédrat panaché, 5g de jus de cédrat.

De gauche à droite, le cédrat, le cédrat panaché, et la main de Bouddha

Le cédrat, fruit du cédratier, est un agrume proche du citron dont on consomme essentiellement l’écorce. Le cédrat panaché est une variété colorée du fruit jaune qu’on connaît en Corse. La main de Bouddha est de la même famille.

Purée de cerfeuil tubéreux : 300 g de cerfeuils tubéreux épluchés, 90 g de crème, 5 g de jus de citron, 4 g de sel

Châtaignes : 20 g de châtaignes épluchées, 4 g de saké, 1 g de citron, sel

Marinade saké : 140 g de filet de chevreuil levé et paré, 30 g de lie de saké, 15 g de saké

Le saké kasu, appelé aussi « lie de saké », est la partie solide qu’il reste après le pressage du saké. C’est un ingrédient aux multiples usages : pour les marinades, les soupes, les gâteaux, la fabrication du pain, pour saumurer des légumes… mais aussi en cosmétique.

Copeaux de cerfeuil tubéreux : 20 g de petits cerfeuils tubéreux, 5 g de jus de citron, 20 g d’huile d’olive, sel

Finition : 10 g d’épine-vinette, 20 g d’oxalis lune, 20 g d’oseille lune (ou mini-feuilles d’oseille verte)

Consommé de chevreuil : taillez les parures de chevreuil (3 cm x 3cm). Colorez les morceaux de viande et les os dans un fait-tout. Grattez fréquemment les sucs au fond. Ajoutez du beurre doux en cubes et faites mousser celui-ci. Finissez la coloration au four à 190°C pendant 20 min environ. Égouttez dans une grande passoire avec un linge étamine pour ne pas perdre les sucs.

Dans le fait-tout, mouillez les morceaux avec le bouillon. Faites cuire à frémissement pendant 5 h tout en prenant soin d’écumer et de dégraisser fréquemment. Passez au chinois étamine et faites réduire doucement jusqu’à la bonne texture. Refroidissez puis dégraissez. Réservez au frais.

Levez les zestes de cédrat, retirez les zistes (la partie blanche amère sous la peau). Portez tous les ingrédients à ébullition.

Laissez reposer une heure à température ambiante avant de mettre à refroidir. Émincez finement et conservez dans le sirop.

Purée de cerfeuil tubéreux : mettez sous vide tous les ingrédients, cuisez à 85°C pendant 60 min. Mixez, puis passez au chinois étamine, rectifiez l’assaisonnement.

Châtaignes en copeaux et râpées : mettez tous les ingrédients sous vide et cuisez à 85°C pendant 35 minutes. Refroidissez au congélateur. Retirez la peau des châtaignes, réalisez des copeaux à la mandoline à truffe et colorez puis desséchez sur la plancha.

Râpez l’autre partie des châtaignes à la microplane dans une plaque et conservez au frais bien à plat.

Marinade saké : mettez sous vide le dos de chevreuil avec les ingrédients de la marinade, puis laissez mariner 4 heures. Égouttez, rincez à l’eau claire et conservez dans l’huile de pépins de raisin.

Copeaux de cerfeuil tubéreux : épluchez les cerfeuils tubéreux , taillez à la mandoline à truffe, puis mettez sous vide avec la vinaigrette pendant trois heures.

Assaisonnez la purée de cerfeuil avec le zeste de cédrat, le saké et quelques gouttes de jus de citron.

Réalisez une boule de purée sur la chapelure de châtaignes et roulez avant de disposer dans l’assiette.

Epine-vinette

Placez entre les boules un copeau de cerfeuil chauffé sur une plaque chaude. Placez quelques épines-vinettes rôties au beurre (préalablement blanchies et refroidies). L’épine-vinette est un arbuste qu’on trouvait sur les chemins jusqu’au XIXe siècle. Accusée de propager la « rouille noire du blé », elle a été quasiment éradiquée à l’état naturel.

Ajoutez deux zestes de cédrat par assiette ainsi que les pousses d’oxalis.

Les trompettes et les moutons

Pour cette nouvelle escale à bord de la galaxie des champignons, arrêtons-nous sur deux individus faciles à identifier et délicieux à déguster, poêlés, ou en omelette au retour d’une longue balade en forêt. Mais ils ont aussi d’autres cordes à leur arc…

Trompette des morts

Les Craterellus cornucopioides préfèreraient qu’on les affuble d’autres surnoms, « cornes d’abondance » par exemple, ou chanterelles. Rien n’y fait.

Elles font pourtant tout pour qu’on les cajole ces mignonnes trompettes : de l’été jusqu’à la fin de l’automne, elles vivent en colonies dans les bois de feuillus (hêtres, charmes, chênes, noisetiers, châtaigniers). Si vous en trouvez une il y a fort à parier qu’avec un minimum de concentration vous devriez pouvoir remplir rapidement votre panier. Et si vous trouvez le filon, laissez une pierre blanche, en tout cas dans votre mémoire : chaque année la trompette repousse au même endroit. Elle a un proche parent avec lequel on peut éventuellement la confondre, la chanterelle cendrée, moins noire, striée, avec des couleurs tournant du bistre au brun grisâtre. Mais celle-ci est également comestible, elle dégage même une fine senteur de mirabelle ! Et on ne peut pas les confondre toutes deux avec des ennemis toxiques ou mortels…

Chanterelle cendrée

Si vous souhaitez attendre avant de les apprêter, nettoyez-les soigneusement (évitez le bain dans l’évier, un petit coup de pinceau devrait suffire), enfilez-les le long d’un fil à repriser muni d’une fine aiguille et faites-les sécher à l’air libre, chaud et sec de préférence. Il faudra ensuite les réhydrater dans l’eau pendant une quinzaine de minutes.

Soufflé aux trompettes-de-la-mort et beaufort

Le soufflé est une épreuve qui rebute beaucoup de cuisiniers parce que sa fabrication et son minutage sont exigeants. Depuis le début du XVIIIe siècle et la « crème soufflée de blancs d’œufs, diversifiée et pointée d’écorces de citron » du « Nouveau cuisinier royal et bourgeois », l’ouvrage de François Massialot, l’arrivée du soufflé bombé, tremblant et fumant constitue un temps fort du service, hier comme aujourd’hui, dans les palais comme en ville.

François Massialot

Tous les penseurs de la gastronomie française se sont relayés pour énoncer les règles d’or du soufflé, d’André Viard à Gaston Lenôtre en passant par Beauvillers, Grimod de la Reynière, Maurice Carême, Escoffier, j’en passe…

Il vous faut : 70 g de beurre + 20 g pour le moule, 60 g de farine + 20 g pour le moule, 25 cl de lait, 5 œufs, 140 g de beaufort râpé, 25 g de trompettes-de-la-mort séchées, 2 cuillères à soupe d’huile d’olive, 1 gousse d’ail pressée, poivre.

Réhydratez les champignons dans un récipient d’eau froide, beurrez généreusement le ou les moules à soufflé à l’aide d’un pinceau, en partant du bas vers le haut. Privilégiez les moules individuels, le risque de voir les soufflés retomber est moindre. Farinez-les, puis retournez-les au-dessus de l’évier en tapotant pour éliminer l’excédent de farine. Réservez au frais.

Faites revenir l’ail dans l’huile d’olive chaude, ajoutez les champignons égouttés, assaisonnez en sel et en poivre et faites cuire 5mn. Réservez.

Réalisez une béchamel. (voir ici pour la béchamel : https://recettesahistoires.com/2022/06/30/du-marquis-de-bechameil-a-la-crete-de-coq/)

Ajoutez le beaufort râpé.

Séparez les blancs des jaunes d’œufs. Incorporez au fouet les jaunes un à un dans la béchamel. Versez ensuite les trompettes et mélangez. Goûtez, assaisonnez en sel et en poivre. Montez les blancs en neige ferme. Mélangez au fouet un peu des blancs en neige à la préparation pour la détendre, puis incorporez le reste des blancs délicatement à la spatule.

Versez dans les moules en les remplissant aux ¾. Enfournez 35-40mn dans le four à 180°. N’ouvrez surtout pas le four avant la fin de la cuisson, les soufflés retomberaient. Servez de suite.

Jacques Manière

Je ne résiste pas au plaisir d’évoquer Jacques Manière, disparu en 1991. Génial autodidacte, précurseur de la « nouvelle cuisine », longtemps chef du Dodin Bouffant (Paris V) il avait publié un magnifique Grand Livre de la cuisine à la vapeur, paru en 1985 et rendu accessible le soufflé en utilisant le four à vapeur.

Voici son simplissime « Flan d’ail« 

Pour 8 personnes il vous faut : 1 gousse d’ail, 4 œufs, 4 blancs d’œufs, 8 cuillères à soupe de crème fraîche, sel, poivre.

Epluchez l’ail et coupez-le en fins morceaux.

Placez l’ail dans le bol du mixer. Ajoutez les œufs et les blancs. Salez. Poivrez. Mixez. Ajoutez la crème fraîche. Mixez à nouveau.

Beurrez les ramequins. Remplissez-les avec le contenu du mixer. Faites cuire à la vapeur 10 minutes couvercle fermé et 5 minutes couvercle ouvert. Démoulez sur le plat de service.

Ce flanc soufflé accompagnera avec bonheur une pièce d’agneau ou de porc.

Et aujourd’hui comme hier, adoptez cette maxime : comme l’omelette, un soufflé peut être attendu, mais il ne doit jamais attendre !

Pied de mouton

De son nom savant Hydnum repandum, ou Hydne sinué, le pied de mouton vit moins en troupeau que la trompette des morts, mais il n’est pas rare de trouver l’un quand on cherche l’autre, à la même époque. Il vaut mieux privilégier les sujets pas trop âgés, avant qu’ils ne grossissent et ne durcissent, donc idéalement fin août-début septembre. Les aiguillons qu’il possède sur son « hyménium », sous son chapeau, lui sont bien spécifiques. Ils peuvent durcir avec l’âge. Il est recommandé de frotter le chapeau avec un torchon pour ôter ces aiguillons dont le contact avec le palais peut être désagréable. Vous enlèverez ainsi un peu d’amertume.

On peut le congeler ou le sécher. En revanche il a une forte propension à accumuler des substances indésirables, notamment le césium 137. Il est donc recommandé de ne pas en abuser et de s’abstenir d’en consommer en cas d’accident nucléaire quelque part sur le continent…

Polenta aux pieds de mouton

La polenta est une spécialité italienne et provençale à base de semoule de maïs qu’on fait bouillir dans de l’eau. On peut ensuite l’accommoder de multiples façons : moelleuse en pavés réchauffés au four, croustillante après avoir été sautée, frite ou gratinée ; ou encore crémeuse en ajoutant du lait et/ou de la crème en fin de cuisson.

Pour 4 personnes il vous faut : ½ litre de lait, 100 g de semoule de maïs, 2 cuillères à café de beurre mou pour les moules, 2 œufs,  4 cuillères à café de persil, 2 cuillères à café de parmesan râpé, 300 g de pieds de mouton, ciboulette, 100 ml de bouillon de légumes, 1 pincée de curcuma, poivre.

Portez à ébullition le lait avec 1 cuillère à café de sel. Versez la semoule en remuant. Laissez cuire pendant 5 minutes afin d’obtenir une consistance épaisse.

Beurrez quatre ramequins individuels (8 cm de diamètre).

Séparez les jaunes des blancs d’œufs. Battez les jaunes au fouet puis mélangez avec la semoule refroidie, la moitié du persil et le parmesan. Battez les blancs en neige et incorporez à la semoule. Remplissez les ramequins et enfournez à 180°C dans un plat rempli d’eau pendant 30 mn.

Coupez en lamelles les pieds de mouton bien nettoyés au pinceau.

Faites revenir dans le beurre les champignons, la ciboulette. Ajoutez le bouillon de légumes, le reste de persil et la pointe de curcuma, salez et poivrez.
Démoulez les ramequins, nappez les flans de polenta avec la sauce aux champignons.