Le pois chiche n’est pas égoïste

Cicer arietinum” n’a pas fini de nous ménager des surprises.

Derrière ce nom savant se cache le pois chiche, et cette légumineuse méditerranéenne est une sacrée vedette.

Cette star de la cuisine orientale, riche en protéines, en vitamines et en fibres, est d’une culture particulièrement adaptée au climat méditerranéen, et supporte des stress hydriques importants. Et comme tous ses collègues de la famille des légumineuses, le pois chiche est capable de fixer l’azote atmosphérique et ne nécessite donc pas d’apport d’engrais azoté. Sa seule requête : la chaleur. En dessous de 20°C, le lascar végète. Il apprécie les sols pauvres : du sable, des cailloux, mais surtout pas d’argile ni de compost et s’il vous plait, presque pas d’eau !

Le pois chiche a quelques cousins, sa famille compte 18 000 espèces ! Parmi eux, vous connaissez sans doute le soja, qui demeure la principale source de protéine pour l’alimentation animale, comme les trèfles, les féverolles… Et si vous ne consommez personnellement pas ou peu de luzerne ni de sainfoin, vous êtes plus familier des haricots rouges, des lentilles, des cacahuètes, de la réglisse…

Les légumineuses constituent notamment ce qu’on appelle les “engrais verts”. Leur capacité à fixer l’azote leur permet de fertiliser les terres qu’elles occupent et font d’elles des agents essentiels dans la réduction des gaz à effet de serre.

Le pois chiche constitue une excellente source de protéines végétales, il est très riche en fibres végétales, favorise le transit intestinal et préserve la santé cardiovasculaire. D’ailleurs, il est au centre des préoccupations des responsables de notre alimentation : comme le tournesol ou le blé, c’est devenu une plante stratégique, dont une partie était récoltée en Ukraine. Le déficit de l’année devrait atteindre 50 000 tonnes …

Dans les contrées où il est cultivé, et notamment dans tout l’arc méditerranéen, le pois chiche est bien évidemment apprécié pour toutes ses qualités. Et il a été décliné dans de nombreuses recettes.

La chakchouka

Ce plat d’origine berbère est né en Afrique du Nord, du côté de Carthage, d’où elle a gagné tout le Proche Orient. C’est avant tout une compotée d’oignons et de tomates surmontée en fin de préparation d’un œuf qui cuira sur les légumes bouillants, accompagnés d’herbes fraîches (coriandre, menthe…). Mais selon la région où l’on se trouve, on y ajoute des poivrons, des aubergines, des courgettes, et/ou des pois chiches. Et bien entendu on puise dans les ressources des épices locales, pimentées ou non. On peut la déguster froide ou chaude, c’est selon. Et au moment du ramadan on peut la servir le soir avec des petits pains matlouh à la semoule

Le hoummous

C’est un plat d’origine ottomane qu’on retrouve dans tout le Proche Orient, jusqu’en Arménie, depuis le XVe siècle. La recette de base n’a pas beaucoup évolué. C’est une purée de pois chiche mélangée à de la crème de sésame (tahine)

Le couscous

On trouve des couscoussiers dans des sépultures datant du III e siècle avant JC en Numidie, au nord de l’Algérie, berceau de la culture du blé, et dans tout le Maghreb. Les pieds noirs et l’émigration ont contribué à étendre sa zone de prédilection beaucoup plus au nord, et c’est aujourd’hui un des plats préférés des Français.

La semoule de blé est cuite à la vapeur avec un bouillon aromatisé qu’on sert avec un ragoût de légumes et des protéines : viande, poissons, légumineuses. Le pois chiche peut jouer ce rôle, même si nous avons pris l’habitude de consommer simultanément des protéines animales ET végétales. Les savoirs, savoir-faire et pratiques liés à la production et à la consommation du couscous sont aujourd’hui inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, comme le bortsch, la calligraphie arabe, la rumba congolaise, ou le gamelan.

Le couscoussier était auparavant une marmite contenant de l’eau sur laquelle on ajustait un plat en terre percé de trous. Aujourd’hui le couscoussier est en métal. Dans la partie inférieure on fait cuire les légumes et les viandes, et on fournit la vapeur parfumée nécessaire à la cuisson de la semoule

Le tajine

Il s’agit avant tout d’un plat de cuisson surmonté d’un couvercle conique en terre cuite vernissée qui permet de fabriquer des ragoûts à l’étouffée. Mais le plat se confond avec la préparation qu’on y mijote.

Et mon petit doigt, encore lui, prétend que de nos jours les tajines sont des pièces de vaisselle souvent très décorées et ouvragées, plutôt des plats de service que des ustensiles de cuisine.

Et on trouve dans les milliers de recettes de tajine de nombreuses utilisations des légumineuses parmi les semoules, les viandes ou les poissons, et aussi souvent des fruits séchés ou confits

La panisse

C’est une galette de farine de pois chiche mélangée avec un peu d’huile d’olive et d’eau, découpée en bâtonnets dans de longs cylindres, frites. Elle est servie en accompagnement d’une salade, ou bien de légumes et ou de viande, et remplace avantageusement les sempiternelles pommes de terre frites.

Elle vient de la Ligurie au nord Ouest de l’Italie et a essaimé au XIXe siècle vers la Provence et tout le sud est de la France. Dans la région de Nice, elle est finement étalée sur une plaque et passée au four. On l’appelle la socca.

Le falafel

C’est une alternative intéressante à l’empereur “hamburger”. On fabrique de petites boulettes de pois chiches et/ou de fèves. On les passe à la friture et  on les sert dans du pain pita, petit pain rond qu’on trouve dans tout le Moyen Orient, avec de la sauce piquante et de la crème de sésame

L’aquafaba

C’est officiellement une invention de … 2015. Joël Roessel, informaticien reconverti dans le chant lyrique, adepte des médecines douces et des pratiques végétaliennes, découvre que l’eau de cuisson des pois chiches (90 % d’eau et 10 % de protéines et de fibres) est d’une composition identique à celle du blanc d’œuf.

Joël Rossel (premier plan)

Visiblement, il a beaucoup potassé les bouquins de Hervé This, physico-chimiste, promoteur depuis 1984 de la “cuisine moléculaire”.

Hervé This par Claude Truong-Ngoc

En 2014, il publie un article sur son blog :

http://www.revolutionvegetale.com/fr

expliquant qu’on peut monter en neige l’eau visqueuse des flageolets, comme celle des pois chiches. Cette information est reprise l’année suivante aux Etats-Unis par Goose Wohlt, praticien en “médecine de l’énergie” et “guide shamanique” qui donne un nom à ce liquide : aquafaba.

Goose Wohlt

Tout ceci ne constituerait qu’une anecdote, si tous les “vegans” de la planète ne s’étaient précipités pour monter l’affaire en mayonnaise. C’est vrai, on peut faire faire une meringue, une mousse au chocolat ou aussi une mayonnaise avec le liquide de cuisson des haricots ou des pois chiches, mais rappelons à ce moment que l’usage des pois chiches remonte au moins à trois siècles avant notre ère et qu’il faut donc raison garder : nos ancêtres libanais ou carthaginois ont eu tout loisir de constater que l’eau de cuisson des lentilles et des pois chiches possédait des propriétés intéressantes pour la cuisine et même pour la santé.

1 réflexion sur « Le pois chiche n’est pas égoïste »

Laisser un commentaire