Les trompettes et les moutons

Pour cette nouvelle escale à bord de la galaxie des champignons, arrêtons-nous sur deux individus faciles à identifier et délicieux à déguster, poêlés, ou en omelette au retour d’une longue balade en forêt. Mais ils ont aussi d’autres cordes à leur arc…

Trompette des morts

Les Craterellus cornucopioides préfèreraient qu’on les affuble d’autres surnoms, « cornes d’abondance » par exemple, ou chanterelles. Rien n’y fait.

Elles font pourtant tout pour qu’on les cajole ces mignonnes trompettes : de l’été jusqu’à la fin de l’automne, elles vivent en colonies dans les bois de feuillus (hêtres, charmes, chênes, noisetiers, châtaigniers). Si vous en trouvez une il y a fort à parier qu’avec un minimum de concentration vous devriez pouvoir remplir rapidement votre panier. Et si vous trouvez le filon, laissez une pierre blanche, en tout cas dans votre mémoire : chaque année la trompette repousse au même endroit. Elle a un proche parent avec lequel on peut éventuellement la confondre, la chanterelle cendrée, moins noire, striée, avec des couleurs tournant du bistre au brun grisâtre. Mais celle-ci est également comestible, elle dégage même une fine senteur de mirabelle ! Et on ne peut pas les confondre toutes deux avec des ennemis toxiques ou mortels…

Chanterelle cendrée

Si vous souhaitez attendre avant de les apprêter, nettoyez-les soigneusement (évitez le bain dans l’évier, un petit coup de pinceau devrait suffire), enfilez-les le long d’un fil à repriser muni d’une fine aiguille et faites-les sécher à l’air libre, chaud et sec de préférence. Il faudra ensuite les réhydrater dans l’eau pendant une quinzaine de minutes.

Soufflé aux trompettes-de-la-mort et beaufort

Le soufflé est une épreuve qui rebute beaucoup de cuisiniers parce que sa fabrication et son minutage sont exigeants. Depuis le début du XVIIIe siècle et la « crème soufflée de blancs d’œufs, diversifiée et pointée d’écorces de citron » du « Nouveau cuisinier royal et bourgeois », l’ouvrage de François Massialot, l’arrivée du soufflé bombé, tremblant et fumant constitue un temps fort du service, hier comme aujourd’hui, dans les palais comme en ville.

François Massialot

Tous les penseurs de la gastronomie française se sont relayés pour énoncer les règles d’or du soufflé, d’André Viard à Gaston Lenôtre en passant par Beauvillers, Grimod de la Reynière, Maurice Carême, Escoffier, j’en passe…

Il vous faut : 70 g de beurre + 20 g pour le moule, 60 g de farine + 20 g pour le moule, 25 cl de lait, 5 œufs, 140 g de beaufort râpé, 25 g de trompettes-de-la-mort séchées, 2 cuillères à soupe d’huile d’olive, 1 gousse d’ail pressée, poivre.

Réhydratez les champignons dans un récipient d’eau froide, beurrez généreusement le ou les moules à soufflé à l’aide d’un pinceau, en partant du bas vers le haut. Privilégiez les moules individuels, le risque de voir les soufflés retomber est moindre. Farinez-les, puis retournez-les au-dessus de l’évier en tapotant pour éliminer l’excédent de farine. Réservez au frais.

Faites revenir l’ail dans l’huile d’olive chaude, ajoutez les champignons égouttés, assaisonnez en sel et en poivre et faites cuire 5mn. Réservez.

Réalisez une béchamel. (voir ici pour la béchamel : https://recettesahistoires.com/2022/06/30/du-marquis-de-bechameil-a-la-crete-de-coq/)

Ajoutez le beaufort râpé.

Séparez les blancs des jaunes d’œufs. Incorporez au fouet les jaunes un à un dans la béchamel. Versez ensuite les trompettes et mélangez. Goûtez, assaisonnez en sel et en poivre. Montez les blancs en neige ferme. Mélangez au fouet un peu des blancs en neige à la préparation pour la détendre, puis incorporez le reste des blancs délicatement à la spatule.

Versez dans les moules en les remplissant aux ¾. Enfournez 35-40mn dans le four à 180°. N’ouvrez surtout pas le four avant la fin de la cuisson, les soufflés retomberaient. Servez de suite.

Jacques Manière

Je ne résiste pas au plaisir d’évoquer Jacques Manière, disparu en 1991. Génial autodidacte, précurseur de la « nouvelle cuisine », longtemps chef du Dodin Bouffant (Paris V) il avait publié un magnifique Grand Livre de la cuisine à la vapeur, paru en 1985 et rendu accessible le soufflé en utilisant le four à vapeur.

Voici son simplissime « Flan d’ail« 

Pour 8 personnes il vous faut : 1 gousse d’ail, 4 œufs, 4 blancs d’œufs, 8 cuillères à soupe de crème fraîche, sel, poivre.

Epluchez l’ail et coupez-le en fins morceaux.

Placez l’ail dans le bol du mixer. Ajoutez les œufs et les blancs. Salez. Poivrez. Mixez. Ajoutez la crème fraîche. Mixez à nouveau.

Beurrez les ramequins. Remplissez-les avec le contenu du mixer. Faites cuire à la vapeur 10 minutes couvercle fermé et 5 minutes couvercle ouvert. Démoulez sur le plat de service.

Ce flanc soufflé accompagnera avec bonheur une pièce d’agneau ou de porc.

Et aujourd’hui comme hier, adoptez cette maxime : comme l’omelette, un soufflé peut être attendu, mais il ne doit jamais attendre !

Pied de mouton

De son nom savant Hydnum repandum, ou Hydne sinué, le pied de mouton vit moins en troupeau que la trompette des morts, mais il n’est pas rare de trouver l’un quand on cherche l’autre, à la même époque. Il vaut mieux privilégier les sujets pas trop âgés, avant qu’ils ne grossissent et ne durcissent, donc idéalement fin août-début septembre. Les aiguillons qu’il possède sur son « hyménium », sous son chapeau, lui sont bien spécifiques. Ils peuvent durcir avec l’âge. Il est recommandé de frotter le chapeau avec un torchon pour ôter ces aiguillons dont le contact avec le palais peut être désagréable. Vous enlèverez ainsi un peu d’amertume.

On peut le congeler ou le sécher. En revanche il a une forte propension à accumuler des substances indésirables, notamment le césium 137. Il est donc recommandé de ne pas en abuser et de s’abstenir d’en consommer en cas d’accident nucléaire quelque part sur le continent…

Polenta aux pieds de mouton

La polenta est une spécialité italienne et provençale à base de semoule de maïs qu’on fait bouillir dans de l’eau. On peut ensuite l’accommoder de multiples façons : moelleuse en pavés réchauffés au four, croustillante après avoir été sautée, frite ou gratinée ; ou encore crémeuse en ajoutant du lait et/ou de la crème en fin de cuisson.

Pour 4 personnes il vous faut : ½ litre de lait, 100 g de semoule de maïs, 2 cuillères à café de beurre mou pour les moules, 2 œufs,  4 cuillères à café de persil, 2 cuillères à café de parmesan râpé, 300 g de pieds de mouton, ciboulette, 100 ml de bouillon de légumes, 1 pincée de curcuma, poivre.

Portez à ébullition le lait avec 1 cuillère à café de sel. Versez la semoule en remuant. Laissez cuire pendant 5 minutes afin d’obtenir une consistance épaisse.

Beurrez quatre ramequins individuels (8 cm de diamètre).

Séparez les jaunes des blancs d’œufs. Battez les jaunes au fouet puis mélangez avec la semoule refroidie, la moitié du persil et le parmesan. Battez les blancs en neige et incorporez à la semoule. Remplissez les ramequins et enfournez à 180°C dans un plat rempli d’eau pendant 30 mn.

Coupez en lamelles les pieds de mouton bien nettoyés au pinceau.

Faites revenir dans le beurre les champignons, la ciboulette. Ajoutez le bouillon de légumes, le reste de persil et la pointe de curcuma, salez et poivrez.
Démoulez les ramequins, nappez les flans de polenta avec la sauce aux champignons.

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