La rose et le parfum, l’ail et la santé

Un peu partout dans le monde, on consomme ce condiment qui, certes, peut occasionner des flatulences, mais n’a pas d’équivalent pour relever le goût d’une tomate ou d’un légume, d’une viande ou d’un poisson. En plus, cette “amaryllacée” regorge de substances plutôt bénéfiques à notre santé.

La famille des “aulx”, qui se reconnaît à son odeur caractéristique, est assez étendue, et de nombreux terroirs en détiennent une variété spécifique. Elle est cultivée depuis au moins 5000 ans, et on raconte qu’elle a probablement suscité le premier conflit social de l’histoire de l’humanité : les ouvriers égyptiens qui construisaient la pyramide de Cheops auraient cessé le travail pour protester contre la suppression de leur ration d’ail.

Je vous propose une halte sur deux utilisations de l’ail, l’une du nord, l’autre du sud.

A Arleux, près de Douai (Nord), on cultive et on fume l’ail à la tourbe depuis le début du XIXe siècle. La production actuelle, répartie entre 50 petits producteurs, s’élève à 2300 tonnes chaque année, soit 10% de la production française, et depuis 2013, cet ail rose tressé et fumé de manière traditionnelle bénéficie d’une IGP (indication géographique protégée) qui s’étend à 62 petites communes du Nord et du Pas-de-Calais.

Patrick Masclet

Je m’en voudrais de ne pas citer la mémoire de Patrick Masclet, professeur agrégé de génie électrique, maire d’Arleux, conseiller régional, sénateur, président de l’association des maires du Nord, grand humaniste et homme de dialogue trop tôt disparu en 2017, qui a beaucoup œuvré dans l’ombre pour parvenir à l’obtention de ce label européen.

A Arleux, au moment de la Foire à l’ail organisée traditionnellement lors du premier week-end de septembre, on déguste la traditionnelle soupe à l’ail et on repart avec une tresse de 60 ou 90 têtes d’ail fumé qui va embaumer votre voiture puis le local dans lequel vous la remiserez pendant une durée indéterminée…

Pour faire votre soupe il vous faut 2 litres d’eau, 100 grammes d’ail émincé, 500 grammes de pommes de terre épluchées et mises en cubes ; 2 carottes râpées, thym, sel, poivre. Vous faites cuire le tout pendant 30 minutes et vous mixez. Dans l’assiette de service vous positionnez une belle tartine grillée surmontée de fromage râpé, et vous versez la soupe bien chaude.

A 1000 km de là, à Marseille, on utilise l’ail pour préparer l’aïoli (ou aiolli selon que vous pratiquez ou pas la langue provençale). Le mot désigne en fait la sauce qui accompagne le plat et qui se décline ensuite dans une infinité de préparations.

Mortier

Pour fabriquer un aïoli, il faut donc disposer d’un “mortier” si possible en granit, et d’un pilon en buis, même si de nombreuses officines vont tenter de  vous convaincre des bienfaits de l’acier inoxydable, de la céramique, du verre, du plastique (!)

Et quitte à faire bondir quelques puristes y compris marseillais, dans la sauce de l’aïoli, il n’y a pas d’œuf ! Même à Marseille, le sujet fait débat, mais il semble bien que l’œuf ne soit pas invité au départ dans la préparation de l’émulsion qui assurera le liant.

Une émulsion est un mélange de deux substances liquides non miscibles, qui implique donc un liquide autre que l’huile pour faire prendre l’aïoli. C’est le rôle de la moutarde dans la traditionnelle mayonnaise.

Certains “spécialistes” marseillais prétendent que le jus d’ail peut jouer ce rôle. D’autres ajoutent la peau de la morue qui est en train de bouillir par ailleurs, d’autres encore ajoutent de la mie de pain, ou quelques pignons de pin, ou quelques gouttes de citron. Certains mêmes vont jusqu’à combiner l’ensemble, y compris un jaune d’œuf et de la moutarde…

C’est à vous de voir, c’est même l’essence de la cuisine !

On sert cette sauce en compagnie de la morue dessalée et bouillie dans une eau parfumée avec un oignon planté de deux clous de girofle, des bulots cuits et/ou des escargots, des calamars ou mieux des supions, des œufs durs, des légumes juste cuits, si possible séparément : haricots verts, petites carottes fanes,  artichauts poivrades, fenouil en quartiers, petites courgettes, oignons nouveaux. Ajoutez à cela des quartiers de chou fleur encore craquants.

Dans le mortier versez six gousses d’ail pelées, dégermées et écrasées. Equipez-vous d’un peu de patience et de force dans les poignets, et battez la purée d’ail avant d’ajouter doucement un petit filet d’huile d’olive jusqu’à obtenir la texture souhaitée.

Frédéric Mistral

“Autour d’un bon ailloli, bien monté et odorant et roux comme un fil d’or, où sont, répondez-moi, les hommes qui ne se reconnaissent point frères ?”

Frédéric Mistral, le chantre de la langue d’oc, prix Nobel de littérature en 1904 (Maillane Bouches du Rhône, 1830-1914)

Morue ou cabillaud ?

Que les choses soient bien claires, le cabillaud et la morue c’est le même poisson. Le premier est frais, originaire des mers froides, le deuxième est le premier séché et salé. La transformation du cabillaud en morue n’est pas aussi vitale qu’auparavant, les bateaux et les techniques de conservation et de congélation ayant beaucoup évolué. Longtemps un peu méprisé, le cabillaud emporte aujourd’hui les faveurs des cuisiniers pour sa palette de goûts et sa bonne tenue à la cuisson. C’est aussi le choix des enfants parce qu’il est dépourvu de petites arêtes. Du coup, il a été surpêché en Atlantique et au Pacifique. Les populations sont en déclin, sauf en mer de Barents, où il est toujours abondant. Mais cette mer qui voit les limites de la glace reculer pour cause de réchauffement climatique, est au centre de bien des appétits. On y trouve des cabillauds, de grosses crevettes délicieuses, mais aussi et surtout du pétrole et du gaz de Norvège… et de Russie.

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