Le sureau n’a pas bonne réputation. C’est bien dommage parce que ce petit arbuste fourmille de précieuses ressources pour la cuisine mais aussi dans la vie quotidienne.
Une flûte de compète
En premier lieu, mon âge me permet encore de me souvenir des flûtes qu’on essayait de fabriquer au cœur de l’été, en ponctionnant quelques branches bien droites, sans tige latérale, d’une vingtaine de centimètres et de l’épaisseur d’un doigt de ce Sambucus nigra (nom latin du sureau, pour faire plus savant). A l’aide d’un fil de fer on évacue patiemment la moelle. Choisissez de préférence une branche à croissance verticale. Ses parois sont plus fines et le canal médullaire est plus important, ce qui facilite la progression d’un beau son limpide.
Avec le canif dont vous vous êtes équipé pour la première opération, vous effectuez une première entaille, à une largeur de doigt de l’extrémité de la branche (fig 1). Et 2 cm plus loin vous effectuez une deuxième entaille de biais en direction de la première entaille (fig 2).

Vous avez dégagé une petite entaille qui laisse apparaître le canal médullaire (fig 3). Vous allez maintenant fabriquer un “biseau” qui va permettre de mettre l’air en vibration. L’idéal est d’utiliser une branche dont le diamètre s’insère dans le canal médullaire. Vous allez aplanir d’un côté, et vous allez insérer cette petite branche, de façon à ce que le plat que vous avez fait vienne affleurer avec le plat de l’entaille précédente, et vous laissez ce morceau dépasser de la flûte (fig 4). Cela vous permettra d’ajuster l’instrument jusqu’à ce qu’il produise un son. Si tout va bien, percez trois petits trous qui vont permettre la modulation du son : si vous bouchez les trous avec les doigts le son sera plus grave, si vous ouvrez tous les trous, il sera plus aïgu (fig 5).
Ce début est certes modeste : trois petits trous correspondent à trois petites notes de musique comme aurait dit Barbara. On peut aussi opter pour la formule “flûte de Pan” : un biseau par flûte mais pas d’autre petit trou et autant de flûtes reliées entre elles que de sons, qui seront modulés uniquement par la longueur de la flûte.
Et on peut aussi tenter de copier la flûte à bec en buis, en érable ou en poirier, à six ou huit trous, mais vous vous embarqueriez dans une sacrée aventure. Je ne vous cacherai pas qu’avant que l’ensemble ne soit mélodieux, un peu de patience et de longueur de temps vont être nécessaires. Mais vous êtes sur la bonne piste. Et puis il est recommandé de laisser l’ensemble sécher tranquillement quelques jours avant de vous produire en concert sur la place du village, histoire d’éviter de vous intoxiquer avec la fameuse “sambunigrine“, alacaloïde toxique que renferme naturellement le sureau. Si vous attrapez une petite diarrhée, c’est normal : c’est l’œuvre de la sambunigrine.
Mais vous allez voir, pour toutes les autres utilisations du sambucus à destination de l’alimentation humaine, il y a une parade très simple : on chauffe les fruits, les feuilles, les fleurs, le jus à 70°C et HOP les toxines s’en vont !
Les animaux, eux, en tout cas ceux qui se délectent du sureau, ne semblent pas trop préoccupés par nos petits soucis digestifs. Toutes sortes de passereaux se régalent dans ces buissons : fauvette, rouge-gorge, grive, … Et de nombreux insectes y pullulent comme les coccinelles, et des papillons nocturnes et diurnes. Il a même un papillon nocturne spécifique qui ne vit que dans cet arbuste, la phalène du sureau.

Le sureau est très précieux pour les jardiniers. S’il pousse à proximité de la parcelle que vous essayez de faire fructifier, c’est très bon signe ! Le sureau est en effet une plante nitrophile. Il adore l’azote contenu dans le sol ! Et un terrain correctement azoté c’est l’assurance de belles récoltes.

Si en revanche, les grappes de sureau ne pendent pas mais sont dirigées vers le ciel, c’est très mauvais signe. Votre parcelle est en excès d’azote, ou alors vous pratiquez l’agriculture intensive avec des intrants azotés chimiques pas du tout bio, vous compactez le sol avec vos engins sophistiqués et vous polluez les nappes souterraines ! La plante en question n’est pas un sambucus nigra, mais un sambucus ebulus ou sureau yèble. Ce n’est pas un arbuste, mais une herbe qui peut atteindre 1,5 m au maximum et, elle, il ne faut JAMAIS le consommer, même cuite ou archi-cuite, alors que le sureau noir est un arbuste qui conserve ses bois durant l’hiver, et peut mesurer jusqu’à 5 m de hauteur.

Le sureau est un des premiers végétaux à produire des feuilles à la sortie de l’hiver, et dès leur apparition elles font le bonheur des chenilles de nombreux papillons. En revanche, elles ont trouvé un subterfuge pour se préserver des humains : elles “puent” dès qu’on les froisse !

On trouve parfois sur les troncs des “Oreilles de Judas“, champignons comestibles qu’on peut déguster en salade ou dans des sauces et des potages auxquels ils donnent de l’onctuosité.

Les fleurs, elles, sont bien sous tous rapports : elles sentent très bon, elles font de délicieux beignets, et sont hermaphrodites : pas besoin de s’embêter à trouver un compagnon ou à attendre le bon vouloir d’une abeille… Les arômes de la fleur ressemblent à ceux du litchi ou de la rose, c’est selon. Et ce n’est pas pour rien que Pierre Hermé, superstar de la pâtisserie, rassemble depuis 1997 dans son emblématique gâteau “Ispahan” les saveurs de la rose et du litchi avec la framboise.

Fin mai, début juin, on peut donc tenter de faire sensation au repas du dimanche avec des beignets de fleurs de sureau
Après récolte, secouez soigneusement les fleurs, en évitant de les laver à l’eau. Comptez deux ou trois ombelles par convive.
Confectionnez une pâte à beignet avec 2 œufs, 100g de farine, 2 cuillers à soupe de fleur de maïs, 1 cuiller à café de levure chimique ou de levure de boulanger, si votre boulanger en utilise encore. S’il fait son levain lui-même, c’est fini. Mélangez le tout avant d’ajouter ¼ de litre d’eau gazeuse, un peu de bière brune pour conforter vos origines cht’tis, 1 pincée de sel, et un zeste de citron râpé. Laissez reposer une ½ heure. Vous pouvez ensuite tremper les fleurs dans cette pâte en les tenant par la tige, et les frire à 180°C pendant quelques secondes.
Vous pouvez aussi réaliser un délicieux sirop de fleurs de sureau qui se conservera longtemps.
Il vous faut une dizaine d’ombelles, ½ litre d’eau, 600g de sucre, 2 citrons bio pour pouvoir utiliser le zeste
Débarrassez-vous des mouches et autres vers qui aiment s’y abriter, et placez-les dans un récipient, en ne conservant que les fleurs et en supprimant les tiges. Ajoutez un citron coupé en rondelles (avec le zeste bien sûr). Versez votre ½ litre d’eau bouillante et laissez macérer le tout pendant 48 heures. Filtrez ensuite cette macération et versez-la dans une casserole avec un jus de citron sans la pulpe et le sucre. Faites bouillir en écumant régulièrement jusqu’à ce le sucre soit complètement dissous. Versez ce sirop brûlant dans une bouteille soigneusement ébouillantée. Fermez et tenez au frais après refroidissement. Vous pourrez ensuite contenter petits et grands avec de l’eau plate ou gazeuse. En remplaçant l’eau par de l’eau de vie, vous obtiendrez de la liqueur de sureau dont il est question un peu plus bas.
Quant à la confiture de baie de sureau, on la fabrique à partir de la mi-août (un peu plus tôt les années de canicule…).
On commence par égrener les baies avec une fourchette de manière à obtenir 1 kg de baies. On va ensuite les broyer au moulin à légumes (manuel de préférence, on fait de la confiture pas de la purée !) et les laisser dégorger dans une bassine (en cuivre de préférence, c’est plus chic, mais le verre ou l’inox feront l’affaire) avec 1 kg de sucre pendant 24 heures. C’est souvent le cas en pâtisserie et en cuisine, on pratique le “tant pour tant” : même quantité de fruit que de sucre. Si vous n’avez pas suffisamment de fruits, dosez le sucre en conséquence.
Le lendemain, on va cuire la préparation pendant 45 min en écumant régulièrement.
Un peu de pectine, pour épaissir le jus
Souvent, la confiture de sureau est un peu trop liquide, même si vous poursuivez la cuisson pour en évaporer une partie de liquide. Plutôt de risquer une sur-cuisson, néfaste au goût et au fond de votre casserole, il est préférable d’y ajouter un peu de pectine.
La solution de facilité serait de vous précipiter chez votre épicier et d’y acheter un sachet de pectine en poudre, ou d’agar-agar en provenance d’algues marines, ou pire de gelée animale. Il y a pourtant un moyen très économique et beaucoup plus goûteux pour arriver à vos fins. Dorénavant, quand vous mangez des pommes, des coings, des agrumes, vous mettez de côté les épluchures et autres pépins. Vous les stockez dans un sachet étanche au fond de votre congélateur.
Le moment venu, vous mettez ces précieux déchets dans une cocotte, avec un soupçon d’eau. Portez le tout à ébullition, puis à feu tout doux. Je vous recommande d’installer sur le dessus un papier cuisson troué en son milieu, pour limiter l’évaporation. Régulièrement, vous enlevez ce papier cuisson, et vous remuez lentement. Le fumet qui se dégage va vous mettre en appétit
Au bout de ces deux heures, passez la préparation au chinois, sans presser trop fort, parce que vous souhaitez que le jus soit épais et pas trop dilué. Vous avez votre ration de pectine pour l’hiver, que vous pouvez stocker dans des galets en silicone, puis congeler. La compote qui reste après filtrage constituera un excellent dessert.
Le wedding cake de Meghan et Harry
Les Anglais disent parfois qu’il ne faut surtout pas parler de la cuisine anglaise à table ! Ils ont pourtant été séduits par les fastes du mariage du prince Harry avec Meghan Markle en mai 2018.

J’éviterai d’entrer dans le détail de de la panacotta de petits pois avec des oeufs de caille et de la verveine servie en entrée aux 600 invités dont la tenniswoman désormais retraitée Serena Williams. Je me contenterai de vous parler des 200 citrons d’Amalfi nécessaires, ainsi que des 500 oeufs bio du Suffolk, des 20 kg de beurre, 20 kg de farine, 20kg de sucre et des 10 bouteilles de Sandringham Elderflower Cordial, une liqueur de sureau qu’on ne trouve qu’au Royaume de sa Majesté (pour la recette de liqueur de sureau, voir plus haut).
Claire Ptak, propriétaire de la Violet Bakery à Hackney à l’est de Londres, a créé ce dessert. Originaire de Californie, la pâtissière avait été interviewée par Meghan Markle pour son blog lifestyle The Tig. Les futurs mariés avaient fait eux-mêmes la demande : “Le Prince Harry et Ms. Markle ont demandé à Claire Ptak de créer un gâteau au citron et à la fleur de sureau pour y instiller toutes les saveurs du printemps. Il est recouvert de crème et décoré de fleurs fraîches“, a écrit Kensington Palace sur Twitter. Le résultat final ? Un gâteau géant décoré de 150 fleurs fraiches.
Sur la recommandation de Hélène Legrand, une amie, la délicieuse et regrettée Anne Sylvestre :
Le sureau inspire les poètes de Montreuil-sur-mer : https://fr.calameo.com/read/006747612dc1176c2bf5a?fbclid=IwAR2ZQbFwCVjYbAA45Oyhz78BMun05mGFtWVQhZsCpMkj7nDlJNdjToXnP1E
Ingrédients :Des ombelles de sureau (moi j’en mets bcp ),1,5 l d’eau ,un jus de citron ,2kg de sucre spéciale gelée .
Ds un saladier couper les fleurs à ras des tiges (avec le moins de tiges possible !!)
Les recouvrir de l’eau bouillante et laisser infuser 3 jours (recouvert d’un linge )
Filtrer avec une passoire fine ,ajouter le jus de citron et le sucre .Mélanger et laisser bouillir 5-7 mn .
Ecumer ,verser ds des pots ,fermer et retourner les jusqu’à complet refroidissement .
En mai ou juin suivant le fleurissement du sureau , très facile ,bonne dégustation !
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