Un amour de Pavlova

Qu’on se le dise, un conflit non élucidé continue de régner autour de la Pavlova. Ce dessert a été inventé à Perth (Australie) par Bert Sache, chef de l’Esplanade Hôtel en 1934, ou en 1926 à Wellington par un autre chef néo-zélandais dont on dit qu’il était amoureux de la danseuse russe ? Connaissant les bise-billes auxquelles se livrent ces deux pays depuis des lustres, il est probable qu’on ne saura jamais le fin mot de cette énigme pourtant déterminante pour la marche du monde.

Cela n’enlèvera rien en tout cas à la légende de Anna Pavlova, cette “danseuse qui vole”, dont on sait qu’elle est née en 1881 à Saint-Petersbourg, le berceau des Tsars … et de Vladimir Poutine. Dès son plus jeune âge elle intègre le théâtre Mariinski où elle est prise en mains par Enrico Cecchetti. A 25 ans elle est danseuse étoile du Mariinski et entame deux ans plus tard une carrière internationale.

Elle croise les grands chorégraphes de son époque : Marius Petitpa, Serge Diaghilev, Michel Fokine, Vaslav Nijinski, Isadora Duncan, Serge Lifar, Rudolf Noureev. Elle mourra de pneumonie en 1931 à La Haye où elle s’était exilée après 1917, en compagnie de son agent plus que mari Victor Dandre, épuisée par près de 25 ans de tournées à travers le monde.

Quant à la recette originale de la Pavlova, voici quelques éléments.

Pierre Hermé

Il faut confectionner une meringue française (voir plus bas), dans laquelle on va ajouter une cuillère à soupe de fécule de maïs (de la Maizena, pub gratuite) et une cuillère à café de vinaigre blanc. A l’aide d’une poche à douille, on réalise un disque de 4 ou 5 cm d’épaisseur, en travaillant en spirale à partir du centre. On enfourne ce disque pendant une heure à 110°C pendant qu’on prépare une chantilly (cf plus bas). Après cuisson, on laisse l’appareil refroidir, on régularise les bords, on l’évide légèrement pour créer une vasque et on le garnit de chantilly, puis de fruits. Les variantes sont innombrables quant à cette garniture de fruits. La plus répandue est celle aux fraises et aux groseilles, surmontée d’une feuille de basilic. Mais aux fruits rouges ce n’est pas mal, aux fruits exotiques, aux agrumes, en été. On peut aussi varier les plaisirs en hiver avec par exemple l’emblématique mariage Ispahan de Pierre Hermé : rose, framboise, letchi, ou l’alliance pommes caramel…

Entre meringue et chantilly

Les pâtissiers ont à leur disposition plusieurs techniques pour fabriquer la meringue inventée selon toute vraisemblance au cœur de la Suisse à proximité de Meiringen, par un pâtissier du nom de Gasparini, en 1720.

– Voici les trois écoles, en commençant bien sûr par celle de nos amis suisses. On met 4 blancs d’œuf et 200 g de sucre semoule dans un saladier, qu’on pose sur un bain-marie frémissant. On fouette jusqu’à obtenir une mousse bien blanche, ferme et à température de 50°C. On retire le saladier de la chaleur en continuant à fouetter pendant 10 min à grande vitesse, puis 10 min encore doucement pour refroidir et raffermir la meringue. On fait cuire 15 min à four préchauffé à 130°C en maintenant la porte entrouverte.

– à l’italienne, on fait d’abord fondre le sucre dans l’eau à feu doux, en nettoyant les parois de la casserole à l’aide d’un pinceau mouillé afin que les grains de sucre ne collent pas. On amène à ébullition (entre 116 et 125°C) et on laisse cuire jusqu’à ce qu’une goutte de ce sirop plongée dans l’eau glacée puisse être roulée en boule malléable (c’est le stade du “petit boulé”). On pose alors la casserole dans l’eau froide pour arrêter la cuisson. On peut alors fouetter les blancs en neige avec le sel. Lorsqu’ils sont fermes, on verse le sirop en un mince filet sur la paroi du saladier, sans cesser de fouetter. Les blancs se raffermissent et prennent une couleur blanche satinée. La meringue italienne allège la crème pâtissière, la crème au beurre et les mousses. Elle enrobe l’omelette norvégienne, les gâteaux meringués.

– à la française, on monte les blancs en neige jusqu’à ce qu’ils soient mi-fermes. On incorpore le sucre semoule sans cesser de fouetter. Le mélange doit être brillant, lisse et homogène. On incorpore un peu de sucre glace sans trop le travailler. On peut alors passer au four à 90°C. Compter 1h15 pour une meringue dorée.

François Vatel

Quant à la crème chantilly, elle est parfois attribuée à Catherine de Médicis qui l’aurait apportée d’Italie lors de son mariage avec Henri II. Mais les Français préfèrent sans aucun doute que l’inventeur en soit François Vatel, le traiteur de Louis XIV qui, en 1661, chargé d’organiser une réception en l’honneur du roi au château de Chantilly, dut réagir à un manque de crème et décida de la battre pour lui donner du volume. Ce bon Vatel, habitué plus qu’un autre aux urgences en cuisine et aux caprices du Roi Soleil, se donne la mort dix ans plus tard, de nouveau à Chantilly, épuisé après dix jours de festivités, un feu d’artifice qui n’avait pas pu être tiré pour cause de météo, et le retard des “pourvoyeurs” chargés d’acheminer les poissons venus de la Manche.

Le fouet et le cul de poule en cuivre de la mère Poulard

Précaution d’usage, la meringue et la chantilly sont assez inséparables de l’usage d’une poche à douille. Il y a quelques années, celles-ci étaient en tissu, difficiles à laver, peu hygiéniques. L’avènement des poches jetables en plastique a constitué une avancée en cuisine. Le plastique est aujourd’hui chargé de tous les maux, et le subterfuge des siphons au protoxyde d’azote ne semble pas beaucoup moins suspect. Reste la solution du bon vieux fouet à main, tel qu’on le pratique chez la mère Poulard, au pied du mont Saint-Michel, avec le cliquetis afférent, pour monter les omelettes si spectaculaires. Bonjour les biscottos !

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