N’en déplaise aux localistes et autres locavores de tout poil, je trouve intéressant de m’arrêter le temps d’une chronique sur le riz, qu’on a commencé à cultiver quelque part dans la province du Hunnan (Chine), il y a 10 000 ans, avant qu’il n’apparaisse peu après sur les rives du Gange, de l’autre côté de l’Himalaya. Ca ne pousse pas dans la Beauce, ni sur les collines de l’Artois, mais je suis amoureux des paysages que Oryza sativa (nom savant du plant de riz) engendre, et des précieux grains qu’il permet de récolter.

L’historien Fernand Braudel s’est beaucoup intéressé à la “civilisation du riz” de l’Asie, en miroir de notre “civilisation du blé” d’Europe (celle qui va de l’Atlantique à l’Oural) et d’Amérique du nord, ainsi que de la “civilisation du maïs” plutôt située en Amérique du Sud. Le blé et le riz se disputent aujourd’hui la suprématie dans l’alimentation humaine, le blé semblant disposer d’un avantage particulièrement appréciable en ces temps de dérèglement climatique : il est beaucoup moins gourmand en eau, même s’il se rattrape avec les tonnes d’engrais et de traitements chimiques qu’on lui balance pour assurer de belles récoltes.

Braudel explique que pour sa part, le riz ne nécessite pas de jachère. La terre ne doit donc pas se reposer, et la culture du riz nécessite moins de force. Un hectare de riz permet de nourrir 6 à 8 personnes, avec essentiellement des moyens humains. Mais cette culture suppose un important réseau de drainage et d’irrigation qui modèle le paysage. L’historien explique ainsi une plus grande permanence de la civilisation asiatique et une plus forte propension à l’immuabilité, ce qui peut être vu comme une force, mais aussi sa faiblesse.
Il existe évidemment une grande variété de riz cultivés, sans compter les riz sauvages qu’on trouve par exemple au Canada.
On distinguera pour faire simple le riz rond et le riz long. Le riz long ne colle pas : basmati, thaï, surinam, il est donc privilégié pour les salades, ou en accompagnement. Plus le grain est rond, plus il a tendance à coller, ce qui est avantageux pour tous ceux qui utilisent des baguettes pour se nourrir…
Le riz cultivé est présent en Europe depuis le XIIIe siècle, en Italie, en Espagne, et en Camargue.
Un sushi au maquereau

Oui, je sais, le sushi n’a rien d’occidental. C’est vraiment un plat emblématique de la “civilisation du riz”. Mais c’est vraiment très bon, et sa seule évocation nous conduit en Asie. Et plutôt que le saumon surexploité dans toutes les mers du monde, généralement élevé dans des conditions pas forcément ragoutantes, je vous propose aujourd’hui le maquereau, particulièrement économique et à la robe tellement seyante…
Commençons par le riz. Les Japonais utilisent bien évidemment un riz rond (“Japonica Oryza sativa”). Il est lavé plusieurs fois avant cuisson pour éliminer un peu d’amidon. Il est cuit dans un cuiseur à riz, espèce de cocotte minute, mais une casserole à fond épais fera tout à fait l’affaire. On démarre à froid, on couvre et on amène lentement à ébullition sans ôter le couvercle. Les Japonais ajoutent un morceau de kombu, une algue séchée qu’on trouve aisément en France. On laisse bouillir 5 minutes et on continue ensuite 10 minutes, à feu très doux, puis on laisse reposer 10 minutes hors du feu, avec le couvercle.
On transfère le riz dans un récipient, en bois de cyprès si vous avez, dans un saladier c’est très bien, avec une spatule en bois et on y ajoute 30 cl d’eau soigneusement dissoute avec 4 cuillères à soupe de vinaigre de riz, 2 cuillères à soupe de sucre, 1/2 cuillère à café de sel pour 300 g de riz sec. On remue délicatement le tout, pour ne pas écraser les grains, mais pour faire retomber aussi rapidement que possible la température. Vous pouvez à présent former une petite quenelle de riz dans la paume de la main et vous mettez les petites rations au frais.
Passons au maquereau
Vous allez utiliser un couteau fin, souple et allongé, qui permettra de lever les filets. Vous incisez derrière l’ouïe entre l’arrière de la tête et la petite nageoire latérale, en faisant attention de ne pas traverser le ventre et les viscères. On retourne le poisson et on fait de même de l’autre côté.
En saisissant la tête du poisson vous cassez l’arête centrale en la tordant vers le bas. Et vous tirez délicatement la tête vers l’avant pour dégager les viscères de la cavité ventrale et retirer le tout.
Vous pouvez maintenant ouvrir le ventre avec la pointe du couteau en passant par l’orifice anal et rincer l’intérieur de la cavité sous un filet d’eau froide. Vous grattez légèrement l’arête centrale pour retirer le sang.
Glissez la lame contre l’arête centrale, en direction de la queue pour lever un premier filet, en plaquant la lame contre l’arête et en l’inclinant vers le bas pour ne pas laisser de chair.
Découpez le filet jusqu’à la queue pour finir de le lever.
Même opération de l’autre côté.
On peut à présent parer et désarêter les filets avec une pince, en passant l’index le long de cette ligne, de la tête vers la queue, pour sentir la présence d’arête et les faire se relever.
Si vous n’avez pas de pince spécifique, vous pouvez inciser la chair de chaque côté de la ligne et en retirer une fine bande contenant les arêtes.
On va disposer les filets sur un plat côté peau et les assaisonner uniformément au sel fin, avec une pointe de sucre, pendant 30 minutes, avant de les éponger et de les recouvrir de vinaigre de riz et d’algue kombu pendant une vingtaine de minutes.
Retirez délicatement la peau transparente située sur les flancs. C’est un peu délicat, il faut la soulever avec un ongle et la décoller de la partie pigmentée de la peau sans enlever les pigments. On peut à présent filmer ces filets, qu’on coupera en tranches et qu’on présentera sur les quenelles de riz, peau à l’extérieur, après avoir mis un tout petit peu de raifort si vous préférez les épices locales ou de wasabi si vous aimez vraiment le piquant, ou les deux, et peut-être aussi un peu de gingembre…
Une salade au riz noir

Le riz venere apporte une saveur de noisette, voire de pain sorti du four qui se marie particulièrement bien avec les fruits de mer ou les crustacés. Les empereurs lui trouvaient des vertus aphrodisiaques, nos contemporains sont un peu dubitatifs dans ce domaine… En tout cas, les Italiens ont bien compris l’intérêt qu’il représentait et le cultivent abondamment dans la plaine du Pô
Il nécessite une cuisson un peu plus longue (25 minutes) que ses congénères blancs, puisque c’est un riz complet : son enveloppe noire colore l’ensemble du grain à la cuisson. Comme dans de nombreuses recettes, et comme pour les sushis, il est recommandé de le rincer après cuisson et de le refroidir rapidement.
Pour l’agrémenter avec des noix de Saint-Jacques, on peut lui adjoindre toutes sortes de végétaux : graines de sésame, dés d’avocats, morceaux de concombre ou de céleri branche, tomates cerises, cacahuètes… à vous de faire preuve d’imagination (et de goût…)
Quant à la Saint-Jacques, il est de bon ton de ne consommer que le blanc (muscle qui permet au coquillage de se déplacer) et de négliger le corail (appareil reproducteur). On peut pourtant utiliser le corail dans toutes sortes de sauces, sauf peut-être dans ce cadre précis de salade de riz noir. La noix, saisie très rapidement à la flamme ou à la poêle pour caraméliser légèrement sa surface, en conservant sa chair nacrée se suffit à elle-même.
Arborio, carnaroli, le territoire du risotto
Les Italiens, surtout ceux du nord de la péninsule, ont autant de risottos que les Français n’ont de fromages. En plus, ils terminent souvent la préparation de leur “rizzottttto” en le saupoudrant de parmesan et/ou de gorgonzola, voire une cuillère de mascarpone.
Mais le principe intangible du risotto ce sont des grains de riz rond qu’on commence par “nacrer” avec un peu de matière grasse et des oignons finement coupés, et qu’on fait ensuite lentement gonfler en ajoutant un peu de vin blanc sec puis un bouillon choisi en fonction des autres éléments qu’on lui ajoutera. Les Italiens sont formels : on reste devant sa casserole durant toute la durée de la cuisson, on remue inlassablement le mélange avec une cuiller en bois et on ajoute du liquide en petites quantités, jusqu’à obtenir la consistance souhaitée : des grains fondants, mais pas trop pâteux, baignant dans un jus qui a pris de la consistance avec l’amidon que le riz a exprimé, mélangé au bouillon, aux produits laitiers et au vin.
Gâteau de riz, la régression assumée
Il existe une infinité de variations autour du riz sucré, notamment en Asie. Que celui qui ne s’est jamais pamé devant une feuille de bananier cachant un peu de riz au lait de coco mélangé avec des dés de mangue me jette la première baie de goji !

Je vous proposerais plus simplement pour le dessert un petit gâteau de riz au lait et à la vanille, sucré mais pas trop, qu’on égouttera et qu’on terminera de cuire dans un moule en céramique dûment caramélisé après avoir ajouté deux œufs battus. Attention, cela peut être brûlant, il est donc recommandé de laisser le petit jouet refroidir loin des regards un bon quart d’heure avant de le déguster. On peut tenter de le démouler, si vous avez trouvé le bon rapport entre le liquide et le solide, et si vous avez soigneusement huilé le récipient avant de l’enduire de caramel. Mais avec une petite cuiller dans le beau moule à gâteau individuel, c’est aussi bon.
En Asie, difficile d’imaginer un repas sans riz; il constitue la nourriture de base du Cambodgien.
Tous les ans, un Concours International est organisé pour classer les meilleurs riz du monde. Cet événement a lieu lors de la Conférence mondiale du riz, qui regroupe de nombreux pays producteurs (Thaïlande, Vietnam, Myanmar, États-Unis, ….).
Ainsi, durant plusieurs années consécutives, le riz du Cambodge, longtemps inconnu en France, a obtenu la première place, lauréat du meilleur riz du monde pour son goût parfumé et délicat.
Sa culture occupe l’essentiel du travail du paysan cambodgien, un travail manuel qui reste laborieux, pénible, difficile, tant au moment de la plantation qu’au moment de la récolte, et nécessite une importante main-d’œuvre (30 à 40 personnes par hectare).
Aujourd’hui, la mécanisation commence à apparaître (les tracteurs remplacent les bœufs) … mais elle surenchérit les coûts de production et donc, ne peut être réservée que pour une extrême minorité de gros paysans possédant des terres à fort rendement (minimum 2 récoltes par an).
Le Cambodge est un important exportateur en direction de ses voisins (Thaïlande et Vietnam) mais surtout vers son premier client: la Chine qui est pourtant le premier producteur mondial de riz.
Depuis peu, afin d’enrichir la valeur commerciale et concurrentielle du produit, le Cambodge se dote de matériel industriel de transformation, ce qui lui permet d’exporter autre chose que du riz padhé (non décortiqué).
La culture du riz nécessite des zones où l’irrigation est possible, mais de nombreux paysans n’ont pas cette possibilité.
Elle est alors pratiquée sur des “rizières sèches”; l’eau nourricière ne peut provenir que des pluies, permettant une seule récolte plus ou moins importante par an. Ces exploitations sont encore très (trop) nombreuses au Cambodge, pays en majorité rural. Elles vivent en quasi-autarcie, dans une extrême précarité.
Le riz cambodgien « Pkar Rumduol » vient d’être sacré meilleur riz au monde lors de la Conférence mondiale du riz de The Rice Trade 2022, tenue à Phuket, en Thaïlande.
C’est la cinquième fois que l’or blanc du Royaume remporte ce prix depuis sa participation au concours. Les autres victoires étaient respectivement en 2012, 2013, 2014 et 2018. …..
https://lepetitjournal.com/cambodge/riz-cambodgien-sacre-meilleur-riz-monde-350575