Qu’ils croient ou pas à la vie éternelle, les vivants honorent les morts de cette terre. Nous avons tous besoin de rappeler à notre mémoire celles et ceux que nous avons connus, côtoyés, aimés, et qui sont partis avant nous.
Les morts, nos morts nous aident à nous souvenir que nous ne sommes que de passage et nous éprouvons la nécessité d’accompagner leur mémoire avec dignité. C’est la définition du sacré : nous respectons ce qui nous dépasse.
Et très souvent, nous accompagnons ce goût ou ce besoin du sacré avec des nourritures. Les grandes fêtes religieuses s’accompagnent de traditions gourmandes solides et liquides, quitte parfois à ce qu’elles supplantent ce qu’elles prétendent honorer.
Et n’en déplaise aux traditionalistes de tout poil, l’origine de la fête de la Toussaint n’est pas seulement chrétienne.

Pour les Celtes d’Irlande, d’Ecosse et du Pays de Galles, la fête de Samaïn marquait le début de l’automne et la nouvelle année. Problème, les Anglo-celtes utilisent un calendrier lunaire qui ne possède pas la régularité de nos habitudes solaires.
Les papes Grégoire III et Grégoire IV (huitième et neuvième siècles) ont décidé de fixer au 1er novembre la fête des saints qui avait lieu après Pâques ou la Pentecôte, à proximité immédiate de cette fête celtique. Et Halloween, quoiqu’on dise, est un héritage de la tradition gaélo-celtique. Le terme est une altération archaïque anglaise pour désigner la “veille de tous les saints” (All Hallows’ Eve)
Jack-o’-Lantern, le héros symbolique d’Halloween, était condamné à errer éternellement dans l’obscurité entre l’enfer et le paradis en s’éclairant d’un tison posé dans un navet. Dans les plaines de Flandres notamment, on utilisait aussi la betterave. Le navet et la betterave ont progressivement été remplacés par la citrouille.
Les émigrants irlandais et écossais fuyant la famine ont introduit la fête d’Halloween aux Etats-Unis et au Canada, d’où elle a inondé la planète à partir de 1920, avec le précieux concours des dessinateurs de BD puis de dessins animés.
Petite virée à travers les sucreries concoctées dans les échoppes d’Europe et d’ailleurs pour le plaisir des plus petits mais pas que…
Les papassini sardes
Dans les ruelles de Cagliari en Sardaigne, les enfants vont de porte en porte et demandent une obole pour les défunts. La tradition veut qu’à cette occasion, les morts reviennent sur terre se mélanger aux vivants et on laisse donc le soir la table prête avec un repas pour les défunts. Ils se régalent paraît-il d’une assiette de papassini et les vivants aussi.
Comme souvent ces recettes de tradition orale ne sont pas gravées dans le marbre et varient suivant les quartiers et les régions. Mais tous ont une forme de losange et contiennent des raisins secs, papassa étant un type de raisin sec très répandu en Italie.
Les anciens regrettent que ces gâteaux traditionnels soient aujourd’hui recouverts d’un glaçage et de petites paillettes psychédéliques.
Pour fabriquer des papassini, il vous faut
250 g de farine
3,5 cl d’huile d’olive
10 cl d’eau tiède
Dans un saladier, mélangez ces ingrédients et formez une boule que vous couvrez et laissez reposer 30 mn à température ambiante.
Pendant ce temps préparez la farce : 250 g de ricotta (fromage blanc italien), 75 g de sucre, le jus d’un ½ citron et un peu de zeste, 1 g de safran, 1 jaune d’œuf et 30 g de farine mélangée à de la poudre à lever, des “papassa” (130 g) réhydratés dans de l’eau, 130 g d’amandes pelées, grillées et hachées et un peu d’extrait d’amande. Laissez reposer pendant 15 mn.
Avec la première pâte, formez les “pardulas“. Etalez-la sur 3 ou 4 mm d’épaisseur, découpez des disques de 10 cm de diamètre à l’emporte-pièce. Sur chaque disque, déposez au centre 2 cuillères à café de farce. Relevez les bords de façon à former un petit panier, pincez les bords pour que chaque gâteau ait la forme d’un soleil. Déposez les gâteaux sur un papier sulfurisé et enfournez à 160°C pendant 30 mn. Laissez refroidir sur une grille.
Le pain des morts de Lombardie

Depuis cette région centrale et riche de la Péninsule, le “pain des morts” a essaimé dans toute la Péninsule. Il est censé nourrir à la fois les vivants et les morts qui viennent rendre visite à cette occasion à leurs successeurs.
Il vous faudra pour cela
6 blancs d’œufs
300 g de sucre
un peu de levure
100 ml de “vino santo”, blanc liquoreux toscan
500 g de biscuits macarons
50 g de cacao en poudre
250 g de farine
120g de raisins secs, autant de figues sèches et d’amandes
cannelle, noix de muscade
Dans un mixeur, réduisez les biscuits puis les amandes et les figues.
Dans un bol, ajoutez à ce mélange le sucre, la farine, le cacao et les épices puis le vin avec les blancs d’œufs, la levure. Terminez par les raisins secs.
Confectionnez des navettes de 100 g et de 1 cm d’épaisseur. Enfournez à 180°C pendant 20 mn, saupoudrez de sucre glace et laissez reposer pendant au moins deux jours.
Les niflettes de Provins

A Provins, on n’a pas attendu qu’Alain Peyrefitte et Christian Jacob soient maires de ce chef-lieu de Seine-et-Marne pour fabriquer des niflettes, vendues par douzaines dans toutes les bonnes pâtisseries au moment de la Toussaint. On raconte qu’au Moyen-Age, elles étaient offertes aux orphelins à la sortie des cimetières, « niflette » venant du bas latin Ne flete ! : Ne pleure pas !

Les niflettes sont de petites tartelettes en pâte feuilletées garnies d’une crème délicatement parfumée à la fleur d’oranger. Elles ressemblent furieusement aux “pasteis de Nata” qu’on sert à Lisbonne, près de la magnifique tour manuéline de Belem, à l’embouchure du Tage. Au Portugal comme en Seine-et-Marne on affirme qu’on fabrique ça depuis le Moyen Age et qu’on est donc “les premiers”. Petit avantage pour les Portugais : on sert les “pasteis” toute l’année, pas seulement à la Toussaint
La tresse de Toussaint bavaroise

L’Allerheiligenstriezel est une brioche tressée composée de farine, d’œufs, de levure, de shortening (l’équivalent de la végétaline) ou de beurre, de raisins secs, de lait, de sel et de sucre perlé, d’amandes effilées ou de graines de pavot. Parfois, elle est parfumée au rhum ou au jus de citron ou même aux deux.
Elle est offerte aux filleuls par leurs parrains pour la Toussaint. Dans les anciens cultes funéraires, le deuil s’exprimait par la coupe des cheveux tressés d’une femme.
Les dedos de bruja
ou doigts de sorcière espagnols

En Espagne, on roule une pâte sablée et sucrée à laquelle on a ajouté des amandes en poudre. On forme des cylindres d’une dizaine de centimètres auxquels on donne une forme de doigts ridés. A l’une des extrémités, on colle une amande non émondée avec un peu de gelée de groseille (ou de framboise). On colore le tout au jaune d’œuf et on enfourne (190°C) pour une dizaine de minutes. Il existe une version salée de ces doigts de sorcière, sans sucre, avec de la sauce tomate à la place de la confiture de groseille.
Les huesos de santo
ou os de saints madrilènes

Fabriquez une pâte d’amande avec 100 g d’amandes crues émondées, 80 g de sucre et 40 ml d’eau. Dissolvez le sucre dans l’eau et vous amenez à ébullition. Hors du feu ajoutez lentement les amandes réduites en poudre en pétrissant pour obtenir une pâte bien lisse, un peu collante. Laissez reposer au froid 1 heure au moins. (On ne vous en voudra pas si vous vous procurez de la pâte d’amande toute prête…)
Sur une plaque saupoudrée de sucre glace, formez des carrés de pâte d’amande de 5 cm et 3 mm d’épaisseur, tracez des sillons espacés de 1 cm et formez des petits cylindres autour d’une cuillère de bois.
Faites un sirop avec 100 g de sucre et 50 ml d’eau, portez à ébullition et laissez refroidir ; dans un saladier, battez quatre jaunes d’œufs avant d’ajouter graduellement le sirop refroidi sans cesser de remuer. Faites cuire au bain-marie pendant 20 mn en remuant constamment, jusqu’à obtenir une crème épaisse. Laissez refroidir.
Fourrez les cylindres par leurs deux extrémités avec cette crème refroidie à la poche à douille. Recouvrez de glaçage et laissez sécher sur une grille.
Les “os de saints” peuvent se conserver dans un récipient hermétique
Les Soul Cakes
de Grande Bretagne

Chaque “gâteau de l’âme” représente l’âme d’un défunt. Ils étaient distribués en récompense aux chanteurs (soulers), des enfants et des pauvres qui allaient de porte en porte en chantant des prières pour les morts. Cette tradition est à l’origine de la menace “Trick or Treating” lancée par les enfants.
Ils sont composés de
– 375 g de farine,
– 1 pincée de sel,
– 2 cuillères à café de noix de muscade râpée,
– 2 cuillères à café de mélange 4 épices,
– 185 g de beurre mou,
– 155 g de sucre en poudre,
– 90 g de raisins secs blonds,
– 1 œuf,
– 12 cl de lait.
On rassemble tous les ingrédients pour former une pâte homogène. On forme des petits cercles de 8 cm environ, on trace deux diamètres perpendiculaires. On décore ces diamètres en ajoutant des raisins secs. On enfourne 10 mn à 220°C.