Le poivre, prince des épices et des voyages

En 1664, Colbert implante la compagnie des Indes orientales à Saint-Malo, pour développer les échanges avec l’Asie. Les affaires vont et viennent, mais la curiosité des Bretons pour l’Asie et ses saveurs ne s’est jamais démentie depuis.

Jean-Baptiste Colbert

“Les épices sont à la cuisine ce que la ponctuation est à la langue française. Comme la ponctuation révèle les mots, les épices permettent de révéler la face cachée des mets”. C’est Olivier Rœllinger, le magicien de Cancale, à quelques encablures du Mont Saint-Michel et de la cité des corsaires de Saint-Malo qui s’exprime ainsi.

Comme tout Breton qui se respecte, Olivier Rœllinger préfère aux rivières tranquilles les flots changeants, les vents siffleurs et les déferlantes de la grande bleue. Et les courants contraires il a connu !

Lorsqu’il a 14 ans, son père médecin abandonne le foyer. L’adolescent vit avec sa maman dans la maison de Bricourt, une demeure que sa famille avait acheté à des descendants de Surcouf, le corsaire malouin. En 1976, il a 21 ans et il est agressé par cinq inconnus dans les murs de Saint-Malo. Le futur ingénieur des Arts et Métiers est laissé pour mort, les jambes brisées, le crâne fracturé.

Robert Surcouf, Malouin corsaire de Sa majesté

Cloué sur un lit, puis en convalescence pendant deux ans, Olivier aura tout le temps nécessaire pour réfléchir à son avenir. Il reprend surtout goût à la vie dans la cuisine de la maison de Bricourt, aux côtés de sa maman Suzy, de Jane sa compagne et des amis qui viennent leur rendre visite.

Son projet prend corps très vite : ouvrir un restaurant avec Jane dans la “malouinière” d’enfance. En 1982, le restaurant Le Bricourt ouvre, en 1983 création du mélange d’épices Retour des Indes. En 1984, première étoile Michelin, la deuxième en 1988, la troisième en 2006. Entretemps, les Rœllinger ouvrent à Cancale un autre établissement, le Château Richeux, maison d’hôtes et restaurant, une boutique d’épices, et ils ont un enfant, Hugo !

En 2008, Olivier doit rendre son tablier : les séquelles de ses blessures de 1976 ne lui permettent plus d’être opérationnel en cuisine comme il l’imagine. Il reconvertit ses « pianos » en laboratoire de recherche et se consacre pleinement à sa passion pour le poivre en particulier et les épices en général. Les équipes des cuisines s’installent au château Richeux (deux étoiles aujourd’hui), en compagnie de Hugo qui a décidé de s’installer au fourneaux après quelques années dans la marine marchande. Mathilde, deuxième enfant du couple revient dans le giron familial après avoir fréquenté pendant 8 ans le Barreau de Paris.

De Saint-Malo à Phnom Penh

Les Bretons sont entreprenants, surtout lorsqu’il est question de voyages… et d’épices. Et en matière de poivre, le Cambodge est une référence incontournable.

Depuis 2016, le poivre de Kampot, une ville sur la côte du Golfe de Thaïlande, à 150 km de la capitale Phnom Penh, détient le précieux label IGP (indication géographique protégée) décerné par l’Union européenne qui garantit la spécificité d’une zone géographique pour une production agricole. Il existe d’autres poivres de grande qualité dans le monde, mais la reconnaissance  d’un cahier des charges spécifique est pour les agriculteurs cambodgiens un solide atout d’avenir (seule IGP pour le poivre aujourd’hui avec le Penja du Cameroun).

Les haut-lieux des grands poivres du monde

Il est encore un peu difficile de trouver ce précieux poivre, mais les producteurs s’organisent pour mettre en place des filières d’exportation performantes.

www.kampotgardenshop.com

Ce royaume de 17 millions d’habitants a vécu un XXe siècle tragique avec la guerre du Vietnam voisin, la guerre civile qui a fait près de 300 000 morts entre 1967 et 1975, suivie de la dictature du sinistre Pol Pot (près de 2 millions de victimes). Le bilan de ces années d’enfer est loin d’avoir été tiré : seuls cinq anciens responsables khmers rouges ont été jugés, trois ont été condamnés. Le pays se relève à peine de cette épouvantable descente et le PIB par habitant est en-dessous de la moyenne régionale, au même niveau que beaucoup de pays de l’Afrique sub-saharienne.

Le chaos installé par les Khmers rouges a débouché sur une catastrophe humanitaire dont sont victimes en premier lieu les enfants, orphelins ou livrés à eux-mêmes, notoirement peu scolarisés, qui vivent d’expédients, à Phnom Penh notamment. De nombreuses ONG tentent de venir à leur secours et ont créé par exemple “Les restaurants des enfants” qui leur offrent chaque jour plusieurs centaines de repas, accompagnés d’actions pour leur scolarisation, leur accompagnement sanitaire et social…

http://www.lesrestaurantsdesenfants.org/

https://www.facebook.com/lesrestaurantsdesenfants

Vin chaud aux agrumes et aux épices

Il vous faut 1 anis étoilé (Badiane), un peu de noix de muscade

4 cl d’alcool distillé (cognac, calva, whisky…), 125 g de sucre, 10 grains de poivre noir, 3 clous de girofle, ¼ citron, ¼ orange, 2 bâtons de cannelle, 75 cl de vin rouge.

Extrayez les zestes de citron et d’orange. Versez le vin et l’alcool fort dans une casserole et portez le tout à ébullition à feu moyen.

Ajoutez le sucre, les bâtons de cannelle, les clous de girofle, les grains de poivre, les zestes de citron et d’orange.

Râpez un peu de noix de muscade et de gingembre. Laissez mijoter doucement pendant 20 minutes. Filtrez le tout pour enlever les épices.

Servir bien chaud dans des verres ou des tasses transparentes. Ajoutez éventuellement une rondelle d’orange

Faux-filet de bœuf au poivre de Kampot

Procurez-vous 200 g de faux-filet, de la coriandre et de l’oseille fraîches, 1 tige de citronnelle, 10 grains de poivre noir de Kampot concassés, 1 oignon frais, 1 citron vert, un fond de veau, du sel.

Rincez et hachez grossièrement les herbes fraiches et disposez-les sur une assiette, avec des tronçons de citronnelle et des oignons frais ciselés. Concassez le poivre de Kampot au mortier (Olivier Roellinger préconise d’acheter des grains de qualité, en petite quantité. La moyenne des poivres utilisés en cuisine sont entreposés depuis … cinq ans et ont perdu tout leur parfum), coupez en deux le citron vert.

Dans une coupelle, ajoutez une pincée de sel, de sucre, le fond de veau et le poivre. Badigeonnez la viande avec le mélange obtenu, puis faites-la cuire à la poêle. Une fois cuite, laissez-la reposer.

Coupez la viande en grosses tranches, disposez-la sur les herbes fraîches.

Préparez la sauce : dans un bol, ajoutez le jus d’un citron puis 2 cuillères à café de sel, 1 de sucre et 1 de poivre. Mélangez le tout.

Servez la viande avec du riz, du chou sauté et la sauce.

Soupe de pastèque et glace à l’avocat

Coupez une ½ pastèque en quartier, éliminez l’écorce et les graines, coupez la chair en cubes. Passez au blender avec dix grains de poivre noir, un peu de basilic, quelques feuilles de menthe, 3 cuillères à soupe de sirop d’agave et une cuillère à café de piment d’Espelette. Réservez au frais.

Mixez la chair de 2 gros avocats avec 25 cl de crème fraîche épaisse, 20 g de miel de châtaigne. Passez à la sorbetière pendant une trentaine de minutes. Versez ensuite dans un saladier réservé au congélateur.

Dans de petites assiettes creuses, servez la soupe, déposez au centre une boule de glace, surmontée d’une feuille de menthe.

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