Christophe, Paul, Maurice, et le chocolat

Christophe Colomb : ce nom ne vous est pas étranger, forcément. Ce fabuleux aventurier, qui décide contre vents et marées de traverser la “Mer océane” en naviguant vers l’ouest sur la Santa Maria et qui découvre l’Amérique (en fait les Caraïbes) en 1492 en pensant être arrivé aux Indes.

Le bougre ne se contente pas de l’aller-retour : il  refait le chemin trois autres fois. Il semble plus à l’aise pour trouver le cap en observant les étoiles que pour administrer les territoires sur lesquels il pose le pied. Il n’a pas non plus un sens de l’observation très développé : au retour de son deuxième voyage, en 1494, il jette par dessus bord les sacs de fèves de cacao que les Amérindiens lui ont offert en cadeau de bienvenue. Il les aurait prises pour des crottes de chèvres ! Il lui faudra un troisième voyage sur l’île de Guanaja, en 1502, pour qu’il prenne conscience des ressources du cacao…

Il faut dire que le “xocoatl“, la boisson qui lui avait été offerte, ressemble plus à une punition ou à un médicament. Le chocolat que nous consommons aujourd’hui a été profondément amélioré depuis que les Mayas ont commencé à cultiver les cacaoyers, en l’an 600 de notre ère. La matière première subit en effet de nombreuses manipulations pour en arriver au chocolat noir à 70% de cacao que les pâtissiers utilisent dans leurs laboratoires.

La fève est fermentée, torréfiée, broyée pour former une pâte liquide dont on extrait la matière grasse, le “beurre de cacao“.

Le chocolat est constitué d’un mélange de pâte, de beurre de cacao et de sucre, dans des proportions tenues secrètes par chaque fabricant. A cela on ajoute l’assemblage des crus du chocolat, puisqu’on cultive des fèves dans les régions équatoriales des cinq continents, et qu’il existe des différences sensibles entre les variétés régionales de fèves.

Il y a donc chocolat et chocolat, des variétés plus ou moins nobles et des techniques d’extraction et de fabrication très différentes, à l’image des vins, des cafés… 

Aujourd’hui, le cacao est une marchandise éminemment spéculative, objet des mêmes excès que le sucre, les céréales, le soja, l’huile de palme… On produit cinq fois plus de fèves aujourd’hui qu’en 1960, avec les risques inhérents de déforestation et de monoculture. Et la grande majorité des fèves issues des pays équatoriaux est traitée… en Europe !

En couleur chocolat les pays producteurs des 5,7 millions de tonnes annuelles, en rouge la Côte d’Ivoire et le Ghana (60% de la production mondiale)

Vous voulez essayer le “xocoatl” ?

Les Mayas et les Aztèques attribuent à ce breuvage des vertus sacrées et magiques. Il est consommé dans des rituels censés apporter force et énergie, sous l’effigie de Xochiquetzal, déesse aztèque de l’amour et de la beauté.

Xochiquetzal, déesse de la fécondité, patronne du chocolat

Pour une tasse, il vous faut

1 cuillère à soupe de cacao en poudre,

25 cl de liquide (eau si vous voulez jouer les Incas, lait autrement),

¼ de gousse de vanille,

1 pincée de cannelle,

1 pincée de piment rouge (ou 1/8 de piment si votre gosier est habilité),

½ cuillère à café de miel.

Dans une petite casserole versez le liquide, avec le miel, la vanille, la cannelle. Mélangez et portez à ébullition. Laissez reposer hors du feu pendant une vingtaine de minutes. Ajoutez le piment et le cacao et réchauffez à feu très doux.

Filtrez pour ôter les morceaux de vanille et de piment, fouettez la préparation jusqu’à obtenir un mélange bien mousseux.

Cuissot de sanglier, sauce au cacao

Je n’ai pas de sympathie particulière pour les chasseurs, notamment les “viandards” qui privatisent la campagne, les bois et les villages jusqu’à l’heure de l’apéritif. Mais j’entends suffisamment fort les agriculteurs qui se lamentent des dégâts occasionnés par les hardes de sangliers, pour considérer qu’un bon cuissot n’est pas de nature à bouleverser l’équilibre de notre vieille planète.

Faites mariner le cuissot pendant 8 jours dans un mélange “tant pour tant” de vin, de vinaigre et d’eau à la bonne quantité pour tout recouvrir. Ajoutez 500 g de carottes et d’oignons coupés en dés. N’oubliez pas le bouquet garni, une tête d’ail, une cuillère à soupe de grains de genièvre. Remuez la bête et le liquide régulièrement.

Dans une “braisière” aux dimensions adaptées au cuissot, faites dorer sur tous les côtés la pièce de viande avec 100 g de beurre et de saindoux. “Singez” avec 3 bonnes cuillères de farine. Mouillez avec 50% de marinade et 50% d’eau chaude. Ajoutez la garniture aromatique de la marinade et laissez cuire (1 heure pour le 1er kg de viande, ½ h pour le kg suivant. Exemple : votre cuissot pèse 4 kg, la cuisson durera 2 h 30).

Dans une casserole faites bouillir un verre de vinaigre avec deux cuillères à soupe de sucre, un peu de beurre manié (beurre + farine 50-50), 2 verres de bouillon de cuisson de la viande. Laissez bouillir quelques minutes en fouettant, ajoutez 300 g de raisins secs, 1 cuillère à soupe de cacao en poudre. Laissez cuire 15 minutes. Avant de servir, rallongez d’un peu de bouillon et d’une cuillère à soupe de cognac.

Pâtes au cacao

Dans un bol, mettez 360 g de farine, 4 œufs, de l’eau (la quantité dépend beaucoup de l’humidité contenue dans la farine et celle de la pièce, disons ½ verre) et 40 g de cacao. Pétrissez jusqu’à ce que le mélange soit homogène. Laissez reposer la pâte au moins une heure, enveloppée dans un torchon.

Etalez ensuite la pâte au rouleau (1mm) et découpez des lamelles (tagliatelles) que vous posez sur un torchon fariné.

Dans une casserole, versez l’équivalent d’un verre de lait, dans lequel vous faites fondre 200 g de gorgonzola. Ajoutez des noix en poudre, sel et poivre.

Faites cuire les tagliatelles dans de l’eau salée pendant 10 minutes. Ajoutez la sauce.

La mousse de Paul Bocuse

La mousse au chocolat est emblématique de l’arrivée du chocolat dans chaque foyer. Depuis Christophe Colomb, le cacao a certes passionné quelques spécialistes, et les tables royales. Mais son essor date de la révolution industrielle et de la construction d’usines de transformation en Europe (Menier en France, Kohler en Suisse, Fry&Sons, Van Houten, puis Nestlé, Lindt, Tobler, Suchard…)

On dit que Monsieur Paul (Bocuse) avait l’habitude de prendre le petit déjeuner régulièrement chez son ami Maurice Bernachon, cours Franklin Roosevelt à Lyon.

Paul, Maurice, le Président, des fèves, des plaques et des truffes

Tous deux étaient suffisamment complices pour qu’en 1975, lorsque Valéry Giscard d’Estaing décore le chef de Collonges-au-Mont–d’Or de la Légion d’Honneur (une première pour un cuisinier depuis Escoffier), les deux compères préparent en secret un gâteau inédit qu’ils emmèneront à l’Elysée : le “Président”, toujours en vente dans la boutique, à côté des éternels “palets d’or” et quelques autres trésors. Le fils de Maurice, Jean-Jacques, intègrera la brigade de Bocuse en 1968 avant de se marier avec Françoise, la fille de Paul. Les enfants du couple sont aujourd’hui aux commandes de la maison Bernachon.

Voici la mousse au chocolat telle qu’on continue de la proposer dans les restaurants et brasseries Bocuse.

Pour 6 ramequins, il vous faut :

5 œufs

130 g de chocolat (70% de cacao)

30 g de beurre

40 g de sucre en poudre

Faire fondre au bain-marie le chocolat cassé en petits morceaux et le beurre à feu très doux en mélangeant à la spatule en maintenant une température maximale de 43°C.

Cassez les œufs et séparez les jaunes des blancs d’œufs.

Montez les blancs d’œufs en neige à l’aide d’un robot jusqu’à ce qu’ils tiennent aux branches du fouet. Incorporez le sucre petit à petit quand les blancs sont fermes et continuez de fouetter. Ajoutez les jaunes d’œufs, puis le chocolat fondu en soulevant très délicatement. Mettez la mousse dans les ramequins et laissez reposer 2 heures minimum au réfrigérateur. Râpez et déposez des copeaux de chocolat sur la mousse.

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