Pomme de terre : des variétés et des recettes

Le “pauvre” Parmentier n’a pas fini de se retourner dans sa sépulture du Père Lachaise !

Mon cher Antoine que de crimes de lèse-gourmandise commet-on en ton nom ! Toi qui voulais contribuer au recul de la famine et de la misère, imaginais-tu que de Namur à Barbès en passant par Hong Kong et Chicago, siège social de la plus grande chaîne de restauration rapide au monde dont le nom débute par “Mc” et se termine par “d’s”, on créerait des générations d’obèses et de gamins ventripotents, gavés à la délicieuse frite dont tu vantais les mérites !

La “patate” a conquis le monde, en tête devant les spaghettis, le couscous, les pizzas et les sushis. Mais comme c’est l’usage dans ces lignes, privilégions la vertu face au vice et mettons en évidence la gourmandise et l’excellence plutôt que les ballonnements et autres troubles gastriques !

La pomme de terre a déjà été deux fois au centre de nos divagations (https://recettesahistoires.com/2022/07/02/ernest-le-pont-neuf-et-les-frites/ et https://recettesahistoires.com/2022/08/16/parmentier-le-vrp-de-la-patate/ ). Vous constaterez ci-dessous qu’il y a encore matière …

Les jardiniers et surtout les chercheurs en biologie n’ont cessé depuis Parmentier et peut-être même avant de déployer des trésors d’inventivité pour “inventer” de nouvelles variétés de pommes de terre. Elles se comptent par milliers et je me contenterai de n’en citer que quelques unes, faciles à trouver dans les jardins et les rayons.

La frite et la bintje

A tout seigneur, tout honneur : commençons par la valeureuse Bintje (diminutif de Benedikt en néerlandais) qui continue de prospérer en Belgique et dans les plaines de Flandres et d’Artois. Elle fait toujours le bonheur des clients des “baraques à frites” des faubourgs qui privilégient bien entendu les tubercules fraîchement épluchés, lavés et taillés aux “ersatz” surgelés.

La bintje a été créée aux Pays-Bas au début du XXe siècle. Elle fut longtemps la plus cultivée en Europe et demeure la reine en France. En Belgique, elle a longtemps dominé le marché avant de chuter fortement. C’est une variété dite “farineuse”, qualité recherchée pour la belle couleur dorée qu’elle prendra dans la graisse chaude. Et son calibre permet de confectionner des bâtonnets qu’on peut saisir à la main. Il se raconte du côté de Namur et de Dinant, que les pêcheurs passaient à la friture le “menu fretin” qu’ils trouvaient au fond de leurs filets. Quand la Meuse gelait, ils découpaient les pommes de terre en formes de petits poissons et les passaient également à la friture. Ces légendes alimentent depuis fort longtemps les polémiques historiques entre la Meuse et le Pont-Neuf (https://recettesahistoires.com/2022/07/02/ernest-le-pont-neuf-et-les-frites/) au centre desquelles je me contenterai d’être “ni pour ni contre, bien au contraire”.

Gustativement, les meilleures frites sont incontestablement celles passées à la graisse animale : porc en Bretagne, bœuf en Belgique. Moins intéressantes pour le goût, mais moins chères et moins riches en mauvais cholestérol et en acides gras saturés, les huiles végétales l’emportent pourtant. L’huile d’arachide résiste particulièrement bien aux températures élevées. L’huile végétale peut être réutilisée une quinzaine de fois, l’huile animale une dizaine de fois seulement. Dans tous les cas, un premier bain à 130°C suivi d’un deuxième à 180°C au moment de servir s’impose.

L’Agria “soufflée”

Agria est une variété récente, issue d’un croisement entre Quarta et Semio en Allemagne, en 1985. Le tubercule est farineux,  sa chair de couleur jaune convient bien en friture. C’est donc une concurrente de la Bintje.

Pelez les pommes de terre, lavez-les puis essuyez-les. Détaillez-les en lamelles de 3 mm d’épaisseur avec une mandoline. Taillez ensuite des formes régulières avec un emporte pièce. Essuyez-les soigneusement.

Chauffez un premier bain de friture à 130 °C. Plongez-y les pommes de terre en mélangeant constamment l’huile avec une louche. Lorsque les lamelles remontent à la surface, sortez-les à l’écumoire et laissez refroidir 30 secondes.

Vous avez préparé un deuxième bain à 180 °C. Plongez-y immédiatement les pommes de terre en mélangeant toujours. Lorsque les pommes sont soufflées et dorées, retirez-les et déposez-les sur une feuille de papier absorbant.

Salez, poivrez et dégustez. Les pommes soufflées sont un peu plus complexes que les frites à réaliser mais sont très esthétiques aux côtés de légumes colorés et d’une pièce de viande ou de poisson blanc par exemple.

Le truffiat du Berry

A Bourges et dans tout le centre de l’Hexagone, on appelle les pommes de terre des “treuffes”. Le truffiat est une tourte à base de pommes de terre, pourquoi pas des Belles de Fontenay originaires du Loiret, variété dite “à chair ferme”, de la crème fraîche, des fines herbes et de l’oignon… du Berry.

Etalez un premier rond de pâte feuilletée dans un moule à tarte. Piquez-le à la fourchette.

Mandoline

Pelez les pommes de terre (1 kg) et taillez-les en rondelles fines à la mandoline. Coupez 2 oignons jaunes en rondelles et ciselez un bouquet de persil plat. Disposez une couche de pommes de terre, puis des oignons, des herbes puis recouvrez de crème fraîche épaisse, salez, poivrez. Répétez l’opération jusqu’à ce que le niveau de pommes de terre dépasse le haut du moule.

Etalez la seconde pâte feuilletée sur les couches de pommes de terre. Scellez les bords en repliant la pâte du dessous sur la pâte du dessus puis finalisez en faisant des stries avec une fourchette sur le pourtour de la tarte.

Mélangez dans un bol un jaune d’œuf et un fond d’eau puis badigeonnez la tourte du mélange sans oublier les bords.

Faites un petit trou puis insérez une cheminée pour que la vapeur de cuisson puisse s’échapper. Enfournez pendant 50mn à 180°C. Surveillez la cuisson des pommes de terre en plantant un couteau. Certains font mariner les pommes de terre avec de l’ail et du sel, d’autres ajoutent la crème fraîche après cuisson en découpant le couvercle. Mais une bonne salade (à l’huile de noix par exemple) suffira pour accompagner cette substantielle tourte.

L’aligot de l’Aubrac

L’aligot est une purée de pommes de terre (des Blanche farineuses à souhait qui se conservent bien pour l’hiver par exemple) enrichie en tome fraîche (un caillé de lait de vache pressé une fois à ne pas confondre avec les tommes d’Auvergne ou d’ailleurs) et d’ail.

L’aligot nécessite une bonne poigne pour mélanger sur le feu cette purée un peu collante qui doit devenir légèrement élastique au moment de servir. C’est roboratif à souhait, on l’accompagne d’une salade légère et traditionnellement d’une saucisse fraîche. L’aligot donne lieu à toutes sortes de réjouissances légèrement alcoolisées, en plein air durant l’été, près de l’âtre, l’hiver venu…

Le gratin du Dauphiné

Ne soyez pas abusé par les usurpateurs qui ajoutent force œufs et fromage dans ce gratin traditionnel composé de pommes de terre (des Charlotte bien fermes par exemple) et de lait.

Jules Charles Henri de Clermont-Tonnerre

Nuance de taille : au XVIIIe siècle, quand apparaît ce gratin au menu d’un dîner offert aux officiers municipaux de la ville de Gap dans le Dauphiné, par le duc Jules Charles Henri de Clermont-Tonnerre, lieutenant général du Dauphiné, on ne connaissait pas le lait écrémé. Il ne vous est donc pas interdit d’ajouter de la crème fraîche bien épaisse. En revanche, ne lavez pas les pommes de terre qui doivent conserver leur amidon qui permettra la liaison avec le lait crémé. Cuisez lentement ce gratin au four pour favoriser l’absorption de la crème par les pommes de terre.

On vous fait une confidence, mais ne le répétez pas : dans les hauteurs du Vercors, on utilise de vieux restes de fromage en surface pour faire gratiner le tout. Et puisqu’on se dit tout, il semble qu’à Gap, le gratin avait été servi avec des ortolans…

Les pommes du Dauphin

Le dauphin c’est l’héritier présomptif de la couronne de France, mais en l’occurrence on désigne souvent ainsi Louis-Antoine d’Artois, prétendant à la Couronne de France et reconnu comme roi par les légitimistes sous le nom de Louis XIX né à Versailles en 1775, mort à Goritz (ville autrichienne à l’époque, aujourd’hui italienne) en 1844.

Les pommes dauphine sont constituées d’une purée de pommes de terre (une Désirée plutôt farineuse par exemple) assaisonnée de noix de muscade. Et d’un tiers de son volume de pâte à choux. Prélevez des noix de préparation, farinez-les avant de les frire dans l’huile.

Les pommes duchesse, quant à elles sont une purée mélangée avec des œufs qu’on forme à l’aide d’une poche munie d’une douille cannelée, puis qu’on passe au four pendant quelques minutes.

Les pommes noisette sont des pommes de terre écrasées à la fourchette et formées avec une cuillère à pomme parisienne.

La purée de Joël

Joël Robuchon

Joël Robuchon, l’empereur des fourneaux aux 36 étoiles avait sans doute pris beaucoup de soin mais surtout un incommensurable plaisir à revisiter la purée de notre enfance. C’était la signature de Joël, et comme c’est le cas des artistes, l’homme n’est plus là, mais ses créations demeurent.

Joël privilégiait la ratte pour confectionner “sa” purée. C’était sans doute de sa part un pied de nez à la logique. Mais il nous avait habitué à de telles acrobaties. La ratte est une variété qui a tout contre elle : faible résistance aux maladies, faible rendement, conservation très moyenne, et surtout chair délicieuse certes, mais ferme, ce qui n’est pas la qualité recherchée pour obtenir une purée fondante.

Les rattes (1 kg) sont cuites à couvert dans une eau froide salée au départ pendant une trentaine de minutes.

Pendant ce temps, coupez le beurre en petits dés (250 g de beurre non salé). Réservez au froid.

Pelez les pommes de terre chaudes et passez-les au moulin à légumes à grille très fine.

Chauffez 25 cl de lait sans le laisser bouillir.

Desséchez la purée obtenue à feu doux avec une spatule en bois. Ajoutez le beurre et remuez pour obtenir une purée très lisse. Salez. Ajoutez doucement dans le mélange le lait chaud en remuant avec un fouet jusqu’à ce que la purée coule du fouet.

Poivrez et servez. 

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